Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/363

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chaise, les bras croisés ; elle était au contraire merveilleusement maîtresse d’elle-même.

« Alors je suis heureux de pouvoir vous dire, s’écrie Traddles d’an air radieux, que nous avons retrouvé tout votre argent.

— Surtout que personne ne m’en félicite, je vous prie, dit ma tante. Et comment cela, monsieur ?

— Vous croyiez que M. Wiekfield avait mal à propos disposé de cette somme ? dit Traddles.

— Certainement, dit ma tante. Aussi je n’ai pas eu de peine à garder le silence. Agnès, ne me dites pas un mot !

— Et le fait est, dit Traddles, que vos fonds avaient été vendus en vertu des pouvoirs que vous lui aviez confiés ; je n’ai pas besoin de vous dire par qui, ni sur quelle signature. Ce misérable osa plus tard affirmer et même prouver, par des chiffres à M. Wickfield, qu’il avait employé la somme (d’après des instructions générales, disait-il) pour pallier d’autres déficits et d’autres embarras d’affaires. M. Wickfield n’a pris d’autre participation à cette fraude, que d’avoir la malheureuse faiblesse de vous payer plusieurs fois les intérêts d’un capital qu’il savait ne plus exister.

— Et à la fin, il s’en attribua tout le blâme, ajouta ma tante ; il m’écrivit alors une lettre insensée où il s’accusait de vol, et des crimes les plus odieux. Sur quoi je lui fis une visite un matin, je demandai une bougie, je brûlai sa lettre, et je lui dis de me payer un jour, si cela lui était possible, mais en attendant, s’il ne le pouvait pas, de veiller sur ses propres affaires pour l’amour de sa fille… Si on me parle, je sors de la chambre ! »

Nous restâmes silencieux ; Agnès se cachait la tête dans ses mains.

« Eh bien, mon cher ami, dit ma tante après un moment, vous lui avez donc arraché cet argent ?

— Ma foi ! dit Traddles, M. Micawber l’avait si bien traqué et s’était muni de tant de preuves irrésistibles que l’autre n’a pas pu nous échapper. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que je crois en vérité que c’est encore plus par haine pour Copperfield que pour satisfaire son extrême avarice, qu’il avait dérobé cet argent. Il me l’a dit tout franchement. Il n’avait qu’un regret, c’était de n’avoir pas dissipé cette somme, pour vexer Copperfield et pour lui faire tort.

— Voyez-vous ! dit ma tante en fronçant les sourcils d’un air pensif, et en jetant un regard sur Agnès. Et qu’est-il devenu ?