Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Micawber avait évidemment un autre pressentiment sur le même sujet, mais il le renfonça dans son pot d’étain, et avala le tout.

« Si vous avez, durant votre passage, quelque occasion d’écrire en Angleterre, mistress Micawber, dit ma tante ; ne manquez pas de nous donner de vos nouvelles.

— Ma chère miss Trotwood, répondit-elle ; je serai trop heureuse de penser qu’il y a quelqu’un qui tienne à entendre parler de nous ; je ne manquerai pas de vous écrire. M. Copperfleld, qui est depuis si longtemps notre ami, n’aura pas, j’espère, d’objection à recevoir, de temps à autre, quelque souvenir d’une personne qui l’a connu avant que les jumeaux eussent conscience de leur propre existence. »

Je répondis que je serais heureux d’avoir de ses nouvelles, toutes les fois qu’elle aurait l’occasion d’écrire.

«  Les facilités ne nous manqueront pas, grâce à Dieu, dit M. Micawber ; l’Océan n’est à présent qu’une grande flotte, et nous rencontrerons sûrement plus d’un vaisseau pendant la traversée. C’est une plaisanterie que ce voyage, dit M. Mi- cawber, en prenant son lorgnon ; une vraie plaisanterie. La distance est imaginaire. »

Quand j’y pense, je ne puis m’empêcher de sourire. C’était bien là M. Micawber. Autrefois, lorsqu’il allait de Londres à Canterbury, il en parlait comme d’un voyage au bout du monde ; et maintenant qu’il quittait l’Angleterre pour l’Australie, il semblait qu’il partît pour traverser la Manche.

« Pendant le voyage, j’essayerai, dit M. Micawber, de leur faire prendre patience en leur défilant mon chapelet, et j’ai la confiance que, durant nos longues soirées, on ne sera pas fâché d’entendre les mélodies de mon fils Wilkins, autour du feu. Quand mistress Micawber aura le pied marin, et qu’elle ne se sentira plus mal au cœur (pardon de l’expression), elle leur chantera aussi sa petite chansonnette. Nous verrons, à chaque instant, passer près de nous, des marsouins et des dauphins ; sur le babord comme sur le tribord, nous découvrirons à tout moment des objets pleins d’intérêt. En un mot, dit M. Micawber, avec son antique élégance, il est probable que nous aurons autour de nous tant de sujets de distraction, que, lorsque nous entendrons crier : « Terre, » en haut du grand mât, nous serons on ne peut pas plus étonnés ! »

Là-dessus, il brandit victorieusement son petit pot d’étain, comme s’il avait déjà accompli le voyage, et qu’il vînt de passer