Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/417

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l’année, avec l’espérance, pour l’année prochaine, de me faire encore quelque chose de plus, et de me meubler en sus un petit appartement. Comme vous voyez, je pris la liberté de lui représenter que nous avions attendu bien longtemps, et que d’aussi bons parents ne pouvaient pas s’opposer à l’établissement de leur fille, uniquement parce qu’elle leur était extrêmement utile, à la maison… Vous comprenez ?

— Certainement, ce ne serait pas juste.

— Je suis bien aise que vous soyez de mon avis, Copperfield, reprit Traddles, parce que, sans faire le moindre reproche au révérend Horace, je crois que les pères, les frères, etc., sont souvent égoïstes en pareil cas. Je lui ai fait aussi remarquer que je ne désirais rien tant au monde que d’être utile aussi à la famille, et que si je faisais mon chemin, et que, par malheur, il lui arrivât quelque chose… je parle du révérend Horace…

— Je vous comprends.

— Ou à mistress Crawler, je serais trop heureux de servir de père à leurs filles. Il m’a répondu d’une façon admirable et très-flatteuse pour moi, en me promettant d’obtenir le consentement de mistress Crewler. On a eu bien de la peine avec elle. Ça lui montait des jambes à la poitrine, et puis à la tête…

— Qu’est-ce qui lui montait comme ça ? demandai-je.

— Son chagrin, reprit Traddles d’un air sérieux. Tous ses sentiments font de même. Comme je vous l’ai déjà dit une fois, c’est une femme supérieure, mais elle a perdu l’usage de ses membres. Quand quelque chose la tracasse, ça la prend tout de suite par les jambes ; mais dans cette occasion, c’est monté à la poitrine, et puis à la tête, enfin cela lui est monté partout, de manière à compromettre le système entier de la manière la plus alarmante. Cependant, on est parvenu à la remettre à force de soins et d’attentions, et il y a eu hier six semaines que nous nous sommes mariés. Vous ne sauriez vous faire une idée, Copperfield, de tous les reproches que je me suis adressés en voyant la famille entière pleurer et se trouver mal dans tous les coins de la maison ! Mistress Crawler n’a pas pu se résoudre à me voir avant notre départ ; elle ne pouvait pas me pardonner de lui enlever son enfant, mais au fond c’est une si bonne femme ! elle s’y résigne maintenant. J’ai reçu d’elle, ce matin même, une charmante lettre.

— En un mot, mon cher ami, lui dis-je, vous êtes aussi heureux que vous méritez de l’être.