Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/427

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pas en Angleterre une seule lettre qui ne respirât l’espérance et le contentement, que M. Micawber avait déjà fait passer plusieurs fois de petites sommes d’argent pour faire honneur à ses échéances pécuniaires, comme cela se devait d’homme à homme ; que Jeannette, qui était rentrée au service de ma tante lors de son retour à Douvres, avait fini par renoncer à son antipathie contre le sexe masculin en épousant un riche tavernier, et que ma tante avait apposé son sceau à ce grand principe en aidant et assistant la mariée ; qu’elle avait même honoré la cérémonie de sa présence. Voilà quelques-uns des points sur lesquels roula notre conversation ; au reste, elle m’en avait déjà entretenu dans ses lettres avec plus ou moins de détails. M. Dick ne fut pas non plus oublié. Ma tante me dit qu’il s’occupait à copier tout ce qui lui tombait sous la main, et que, par ce semblant de travail, il était parvenu à maintenir le roi Charles Ier à une distance respectueuse ; qu’elle était bien heureuse de le voir libre et satisfait, au lieu de languir dans un état de contrainte monotone, et qu’enfin (conclusion qui n’était pas nouvelle !) il n’y avait qu’elle qui eût jamais su tout ce qu’il valait.

« Et maintenant, Trot, me dit-elle en me caressant la main, tandis que nous étions assis près du feu, suivant notre ancienne habitude, quand est-ce que vous allez à Canterbury ?

— Je vais me procurer un cheval, et j’irai demain matin, ma tante, à moins que vous ne vouliez venir avec moi ?

— Non ! me dit ma tante de son ton bref, je compte rester où je suis.

— En ce cas, lui répondis-je, j’irai à cheval. Je n’aurais pas traversé aujourd’hui Canterbury sans m’arrêter, si c’eût été pour aller voir toute autre personne que vous. »

Elle en était charmée au fond, mais elle me répondit : « Bah, Trot, mes vieux os auraient bien pu attendre encore jusqu’à demain. » Et elle passa encore sa main sur la mienne, tandis que je regardais le feu en rêvant.

Oui, en rêvant ! car je ne pouvais me sentir si près d’Agnès sans éprouver, dans toute leur vivacité, les regrets qui m’avaient si longtemps préoccupé. Peut-être étaient-ils adoucis par la pensée que cette leçon m’était bien due pour ne pas l’avoir prévenue dans le temps où j’avais tout l’avenir devant moi ; mais ce n’en étaient pas moins des regrets. J’entendais encore la voix de ma tante me répéter ce qu’aujourd’hui je