Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/459

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— Elle m’a dit qu’elle me laissait quelque chose. Savez-vous ce que c’était ? »

Je croyais le deviner. Je serrai plus près de mon cœur la femme qui m’aimait depuis si longtemps.

« Elle me dit qu’elle me faisait une dernière prière et qu’elle me laissait un dernier devoir à remplir.

— Eh bien ?

— Elle m’a demandé de venir un jour prendre la place qu’elle laissait vide. »

Et Agnès mit sa tête sur mon sein ; elle pleura et je pleure avec elle, quoique nous fusions bien heureux.


Je touche au terme du récit que j’ai voulu faire ; mais il y a encore un incident sur lequel mon souvenir s’arrête souvent avec plaisir, et sans lequel un des fils de ma toile resterait emmêlé.

Ma renommée et ma fortune avaient grandi, mon bonheur domestique était parfait, j’étais marié depuis dix ans. Par une soirée de printemps, nous étions assis au coin du feu, dans notre maison de Londres, Agnès et moi. Trois de nos enfants jouaient dans la chambre, quand on vint me dire qu’un étranger voulait me parler.

On lui avait demandé s’il venait pour affaire, et il avait répondu que non : il venait pour avoir le plaisir de me voir, et il arrivait d’un long voyage. Mon domestique disait que c’était un homme d’âge qui avait l’air d’un fermier.

Cette nouvelle produisit une certaine émotion ; elle avait quelque chose de mystérieux qui rappelait aux enfants le commencement d’une histoire favorite que leur mère se plaisait, à leur raconter, et où l’on voyait arriver ainsi déguisée sous son manteau, une méchante vieille fée qui détestait tout le monde. L’un de nos petits garçons cacha sa tête dans les genoux de sa maman pour être à l’abri de tout danger, et la petite Agnès (l’aînée de nos enfants), assit sa poupée sur une