Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/65

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Encouragée par ces gracieuses paroles et par l’empressement de ma tante à lui tendre la main, Barkis s’avança pour la prendre avec une révérence de remercîment.

« Nous avons vieilli depuis ce temps-là, voyez-vous, dit ma tante. Nous ne nous sommes jamais vues qu’une seule fois, vous savez. La belle besogne que nous avons faite ce jour-là ! Trot, mon enfant, donnez-moi une seconde tasse de thé ! »

Je versai à ma tante le breuvage qu’elle me demandait, toujours aussi droite et aussi roide que de coutume, et je m’aventurai à lui faire remarquer qu’on était mal assis sur une malle.

« Laissez-moi vous approcher le canapé ou le fauteuil, ma tante, lui dis-je ; vous êtes bien mal là.

— Merci, Trot, répliqua-t-elle ; j’aime mieux être assise sur ma propriété. Là-dessus ma tante regarda mistress Crupp en face et lui dit : « Vous n’avez pas besoin de vous donner la peine d’attendre, madame.

— Voulez-vous que je remette un peu de thé dans la théière, madame ? dit mistress Crupp.

— Non, merci, madame, répliqua ma tante.

— Voulez-vous me permettre d’aller chercher encore un peu de beurre, madame ? ou bien puis-je vous offrir un œuf frais, ou voulez-vous que je fasse griller un morceau de lard ? Ne puis-je rien faire de plus pour votre chère tante, monsieur Copperfield ?

— Rien du tout, madame, répliqua ma tante ; je me tirerai très-bien d’affaire toute seule, je vous remercie. »

Mistress Crupp, qui souriait sans cesse pour figurer une grande douceur de caractère, et qui tenait toujours sa tête de côté pour donner l’idée d’une grande faiblesse de constitution, et qui se frottait à tout moment les mains pour manifester son désir d’être utile à tous ceux qui le méritaient finit par sortir de la chambre, la tête de côté en se frottant les mains et en souriant.

« Dick, reprit ma tante, vous savez ce que je vous ai dit des courtisans et des adorateurs de la fortune ? »

M. Dick répondit affirmativement, mais d’un air un peu effaré, et comme s’il avait oublié ce qu’il devait se rappeler si bien.

« Eh bien ! mistress Crupp est du nombre, dit ma tante. Barkis, voulez-vous me faire le plaisir de vous occuper du thé, et de m’en donner une autre tasse ; je ne me souciais pas de l’avoir de la main de cette intrigante. »