Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/76

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« Annuler nos arrangements, Copperfield ! annuler ! »

J’expliquai avec une certaine fermeté que j’étais aux expédients, que je ne savais comment subsister, si je n’y pourvoyais pas moi-même, que je ne craignais rien pour l’avenir, et j’appuyai là-dessus pour prouver que je serais un jour un gendre fort à rechercher, mais que, pour le moment, j’en était réduit à me tirer d’affaire tout seul.

« Je suis bien fâché de ce que vous me dites là, Copperfield, répondit M. Spenlow ; extrêmement fâché. Ce n’est pas l’habitude d’annuler une convention pour des raisons semblables. Ce n’est pas ainsi qu’on procède en affaires. Ce serait un très-mauvais précédent… Pourtant.

— Vous êtes bien bon, monsieur, murmurai-je, dans l’attente d’une concession.

— Pas du tout, ne vous y trompez pas, continua M. Spenlow, j’allais vous dire que, si j’avais les mains libres, si je n’avais pas un associé, M. Jorkins ! »

Mes espérances s’écroulèrent à l’instant : je fis pourtant encore un effort.

« Croyez-vous, monsieur, que si je m’adressais à M. Jorkins… ? »

M. Spenlow secoua la tête d’un air découragé. « Le ciel me préserve, Copperfield, dit-il, d’être injuste envers personne, surtout envers M. Jorkins. Mais je connais mon associé, Copperfield. M. Jorkins n’est pas homme à accueillir une proposition si insolite. M. Jorkins ne connaît que les traditions reçues : il ne déroge point aux usages. Vous le connaissez ! »

Je ne le connaissais pas du tout. Je savais seulement que M. Jorkins avait été autrefois l’unique patron de céans, et qu’à présent il vivait seul dans une maison tout près de Montagu-Square, qui avait terriblement besoin d’un coup de badigeon ; qu’il arrivait au bureau très-tard, et partait de très-bonne heure ; qu’on n’avait jamais l’air de le consulter sur quoi que ce fût ; qu’il avait un petit cabinet sombre pour lui tout seul au premier ; qu’on n’y faisait jamais d’affaires, et qu’il y avait sur son bureau un vieux cahier de papier buvard, jauni par l’âge, mais sans une tâche d’encre, et qui avait la réputation d’être là depuis vingt ans.

« Auriez-vous quelque objection à ce que je parlasse de mon affaire à M. Jorkins ? demandai-je.

— Pas le moins du monde, dit M. Spenlow. Mais j’ai quelque