Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour toutes les actions et les passions de l’humanité comme une aussi grande preuve d’élégance qu’on l’a fait plus tard. J’ai vu, depuis, ces maximes-là très à la mode. Je les ai vu pratiquer avec un tel succès que j’ai rencontré de beaux messieurs et de belles dames, qui, pour l’intérêt qu’ils prenaient au genre humain, auraient aussi bien fait de naître chenilles. Peut-être l’impression que me fit alors M. Maldon ne fut-elle si vive que parce qu’elle m’était nouvelle, mais je sais que cela ne contribua pas à le rehausser dans mon estime, ni dans ma confiance.

•• Je venais savoir si Annie voulait aller ce soir a l’Opéra, dit M. Maldon en se tournant vers elle. C’est la dernière re- présentation de la saison qui en vaille la peine, et il y a une cantatrice qu’elle ne peut pas se dispenser d’entendre. C’est une femme qui «liante d’uno manière ravissante, sans compter qu’elle est dune laideur délicieuse. »

Là-dessus il retomba dans sa langueur.

Le docteur, toujours enchanté de ce qui pouvait être agréable à sa jeune femme, se tourna vers elle et lui dit :

« Il faut y aller, Annie, il faut y aller.

— Non, je vous en prie, dit-elle au docteur. J’aime mieux rester à la maison. J’aime beaucoup mieux rester à la maison. »

Et sans regarder son cousin, elle m’adressa la parole, me demanda des nouvelles d’Agnès, s’informa si elle ne viendrait pas la voir ; s’il n’était pas probable qu’elle vînt dans la journée ; le tout d’un air si troublé que je me demandais comment il se faisait que le docteur lui-même, occupé pour le moment à étaler du beurre sur son pain grillé, ne voyait pas une chose qui sautait aux yeux.

Mais il ne voyait rien. Il lui dit en riant qu’elle était jeune, et qu’il fallait qu’elle s’amusât, au lieu de s’ennuyer avec un vieux bonhomme comme lui. D’ailleurs, disait-il, il comptait sur elle pour lui chanter tous les airs de la nouvelle cantatrice, et comment s’en tirerait-elle si elle n’allait pas l’entendre ? Le docteur persista donc à arranger la soirée pour elle. M. Jack Maldon devait revenir dîner à Highgate. Ceci conclu, il retourna à sa sinécure, je suppose, mais en tout cas il s’en alla à cheval, sans se presser.

J’étais curieux, le lendemain matin, de savoir si elle était allée à l’Opéra. Elle n’y avait pas été, elle avait envoyé à Londres pour se dégager auprès de son cousin, et, dans la journée, elle avait fait visite à Agnès. Elle avait persuadé au