Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/181

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petite Dorrit emmena encore Maggy, qui dormait tout debout, pour la tenir en mouvement. En passant auprès de l’église, elle vit que la porte était ouverte et qu’il y avait des lumières, Elle monta les degrés et regarda à l’intérieur.

« Qui est là ? cria un grand et robuste gaillard, qui mettait son bonnet de nuit comme s’il se préparait à aller se coucher dans un des caveaux de l’église.

— Oh ! personne, monsieur, répondit la petite Dorrit.

— Arrêtez ! s’écria le vieillard, que je vous regarde un peu ! »

Elle se retourna au lieu de continuer à descendre les marches et se présenta avec sa protégée.

« Parbleu, je m’en doutais ! Je vous connais.

— Nous nous sommes vus bien souvent, dit la petite Dorrit, reconnaissant le sacristain, ou le bedeau, ou le porte-verge, ou quelque fonctionnaire de ce genre, depuis que je viens à votre église.

— Bien mieux que ça, vous êtes inscrite sur nos registres, vous savez ; vous êtes une de nos curiosités.

— Vraiment ? dit la petite Dorrit.

— Certainement. Comme l’enfant de la… À propos, comment vous trouvez-vous dehors de si bonne heure ?

— Nous n’avons pas pu rentrer hier soir et nous attendons qu’on ouvre les portes.

— Ah bah ! Mais vous avez au moins encore une bonne heure à attendre ! Entrez dans ma sacristie ; j’y ai fait un bon feu à cause des peintres. J’attends les peintres, ou vous ne m’auriez pas attrapé ici, je vous en réponds. Il ne faut pas que nous laissions enrhumer une de nos curiosités, quand nous pouvons la réchauffer et la mettre à couvert. Allons ! venez ! »

C’était un brave homme après tout avec son air sans gêne ; après avoir remué le feu de la sacristie, il chercha autour de lui, sur les rayons destinés aux registres de la paroisse, un certain volume.

« Tenez, vous voilà, dit-il, descendant le volume et tournant les feuillets, vous vous retrouverez là-dedans… Amy, fille de William et de Fanny Dorrit, née prison de la Maréchaussée, paroisse de Saint-Georges. Et nous racontons aux gens que vous y avez vécu depuis, sans vous absenter seulement vingt-quatre heures. N’est-ce pas vrai ?

— C’était encore vrai hier au soir.

— Bah ! » Le coup d’œil admirateur avec lequel il la contempla lui suggéra une autre idée. « Mais je suis fâché de vous voir si faible et si fatiguée. Attendez un instant ; je vais prendre des coussins dans l’église, et vous et votre amie vous pourrez vous coucher devant le feu. N’ayez pas peur de manquer votre père, lorsqu’on ouvrira les portes : je vous appellerai. »

Il ne tarda pas à apporter les coussins et les étendit par terre.

« Voilà votre affaire. Oh ! ne vous donnez pas la peine de me remercier, j’ai des filles aussi, et, quoiqu’elles ne soient pas nées dans la prison de la Maréchaussée, elles auraient pu y naître si