Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/202

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Qui donc eût pu vivre avec un être si aimable et si charmant, sans céder à sa douce influence ? Qui donc eût pu passer une soirée dans la maison et ne pas aimer Chérie pour le charme et la grâce que sa seule présence répandait autour d’elle ? Telles furent les réflexions de Clennam, malgré la résolution bien arrêtée qu’il avait formée au coin du feu ; et, en faisant ces réflexions, il révoqua sa résolution.

« Mais à quoi pensez-vous donc, mon cher monsieur ? demanda d’un ton de surprise M. Meagles, dont il était le partenaire.

— Je vous demande pardon. À rien, répondit Clennam.

— Pensez à quelque chose une autre fois. Le drôle de corps ! ajouta M. Meagles.

— Je suis sûre, dit Chérie, que M. Clennam pensait à Mlle Wade.

— Pourquoi à Mlle Wade, Chérie ? demanda le père.

— Ah ! oui, pourquoi donc ? » répéta Arthur Clennam. Chérie rougit un peu et retourna au piano.

Comme ils allaient se retirer pour la nuit, Arthur entendit Daniel Doyce qui demandait à son hôte s’il pouvait lui accorder une demi-heure d’entretien le lendemain matin, avant déjeuner. L’hôte ayant accordé l’audience demandée, Arthur resta en arrière un instant, ayant un mot à ajouter là-dessus.

« Monsieur Meagles, dit-il lorsqu’ils se trouvèrent seuls, vous rappelez-vous le jour où vous m’avez conseillé de me rendre directement à Londres ?

— Parfaitement.

— Et les autres bons conseils que vous m’avez donnés et dont j’avais grand besoin alors ?

— Je ne vous dirai pas s’ils valaient grand’chose, répondit M. Meagles, mais je n’ai toujours pas oublié que nous avons eu ensemble des causeries très agréables et pleines d’une douce confiance.

— J’ai suivi vos conseils ; et, m’étant débarrassé d’une occupation qui m’était pénible pour bien des raisons, je désire utiliser ce qu’il me reste de vigueur et de fortune dans quelque autre emploi.

— Vous avez raison ! Vous ne sauriez le faire trop tôt, répliqua M. Meagles.

— Or, en venant ici aujourd’hui, j’ai appris que votre ami, M. Doyce, cherche un associé qui l’aide à diriger son atelier de construction, non pas un associé qui ait les mêmes connaissances mécaniques que lui, mais quelqu’un qui s’occupe de tirer le meilleur parti possible des affaires auxquelles il les applique.

— Justement, dit M. Meagles, les mains dans ses poches et avec cette physionomie d’homme d’affaires qui rappelait le temps où il se servait des balances et de la petite pelle.

— M. Doyce m’a dit en passant, dans le cours de notre conversation, qu’il allait demander votre précieux avis pour le choix d’un associé dans ces conditions. Si vous pensez que nos vues et nos moyens puissent coïncider, peut-être voudrez-vous bien lui faire