Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/278

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vous dire, j’ai des raisons sérieuses pour parler le moins possible de la famille Dorrit, surtout chez ma mère (M. Pancks fit un signe de tête), et pour désirer savoir tout ce que je puis sur le compte de cette famille. Ainsi un homme d’affaires aussi habile que vous… Hein ?… »

Interruption, M. Pancks s’étant livré à un effort nasal plus formidable que de coutume.

« Ce n’est rien, dit le remorqueur.

— Un homme d’affaires de votre force sait ce que c’est qu’un marché loyal. Je veux en conclure un avec vous. Vous me donnerez tous les renseignements que vous pourrez obtenir sur la famille Dorrit comme je vous ai donné tous ceux que je pouvais vous fournir. Peut-être n’aurez-vous pas une opinion très flatteuse de moi comme homme d’affaires, en voyant que j’ai négligé de vous imposer mes conditions d’avance, continua Clennam ; mais j’aime mieux en faire un point d’honneur. À parler franchement, monsieur Pancks, j’ai vu déployer tant d’habileté dans les affaires que cela m’en a dégoûté. »

M. Pancks se mit à rire.

« C’est un marché conclu, monsieur, dit-il, vous verrez que je n’y manquerai pas. »

Le remorqueur demeura alors quelques minutes à regarder Clennam et à se mordre les dix ongles l’un après l’autre. Il était clair qu’il cherchait à graver dans sa mémoire les détails qu’Arthur lui avait fournis et qu’il les repassait dans son esprit, pendant que la présence de Clennam lui permettait de réparer un oubli, s’il en avait pu faire.

« C’est bon ! dit-il enfin ; et maintenant je vais vous dire bonjour, car c’est aujourd’hui que je touche mes loyers dans la cour du Cœur-Saignant… Ah mais, à propos… et l’étranger boiteux avec son bâton ?

— Ah, ah ! vous allez quelquefois aussi aux informations, malgré tout, à ce que je vois ? dit Clennam.

— Mais oui. Et nous acceptons parfois un répondant quand il est solvable, répondit Pancks. Prenez tout ce que vous pouvez et gardez tout ce que vous n’êtes pas obligé de rendre : voilà ce qu’on appelle les affaires. L’étranger boiteux avec son bâton désire louer une mansarde dans notre cour. A-t-il de quoi la payer ?

— Moi, j’ai de quoi payer dit Clennam et je réponds pour lui.

— Cela suffit. Ce qu’il me faut dans la cour du Cœur-Saignant, reprit Pancks faisant une note dans son carnet, c’est une garantie. J’exige une garantie, voyez-vous. Payez ou montrez-moi votre garantie ! Voilà mon mot d’ordre là-bas. L’étranger boiteux avec son bâton m’a déclaré que c’était vous qui l’aviez envoyé ; mais il aurait tout aussi bien pu se dire envoyé par le grand Mogol. Il sort de l’hôpital, je crois ?

— Oui. Il y était entré par suite d’un accident.

— Faites entrer un homme à l’hôpital, et il en sortira un