Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/288

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« Vous trouvez le temps un peu long, mademoiselle Dorrit ? demanda-t-il à voix basse.

— Mais non, monsieur, je vous remercie.

— Vous êtes bien occupée, à ce que je vois, continua-t-il, en se glissant dans la chambre et en avançant d’un pouce à la fois. Qu’est-ce que vous avez donc là, mademoiselle Dorrit ?

— Des mouchoirs.

— Comment, ce sont des mouchoirs ! Je ne m’en serais jamais douté, dit Pancks sans les regarder le moins du monde, et fixant au contraire les yeux sur le visage de la petite Dorrit, Vous vous demandez peut-être qui je suis. Voulez-vous le savoir ? Je suis un diseur de bonne aventure. »

La petite Dorrit commença à croire qu’il était fou.

« J’appartiens corps et âme à mon propriétaire, continua Pancks ; celui dont vous avez vu servir en bas le dîner. Mais je fais quelquefois d’autres petites affaires pour mon propre compte… en secret, tout à fait en secret, mademoiselle Dorrit. »

La petite Dorrit le regarda d’un air soupçonneux où perçait un peu de frayeur.

« Je ne serais pas fâché de voir la paume de votre main, ajouta Pancks. Je voudrais y jeter un coup d’œil. Cependant, que je ne vous dérange pas ! »

Il la dérangeait d’autant plus qu’elle n’avait nullement besoin de lui ; néanmoins elle posa son ouvrage sur ses genoux et tendit sa main gauche sans retirer son dé.

« De longues années de travail, hein ? dit Pancks doucement, touchant la main avec son index un peu rude. Mais pourquoi sommes-nous faits, si ce n’est pour travailler ? Pour rien. Tiens, tiens ! (regardant les lignes de la main) qu’est-ce que c’est que ces barres-là ! C’est une prison ! Et qui est-ce que je vois là en robe de chambre grise et en calotte de velours noir ? C’est un père ! Et qui est cet autre avec une clarinette sous le bras ? C’est un oncle ! Et qui donc est celle-là en souliers de satin blanc ! C’est une sœur ! Et qui vois-je là flânant de côté et d’autre d’un air indolent ? C’est un frère ! Et qui aperçois-je là se mettant en quatre pour tout ce monde ? Eh mais, c’est vous-même, mademoiselle Dorrit. »

Les yeux étonnés que la jeune fille venait de lever rencontrèrent ceux de son interlocuteur. Elle trouva que Pancks, malgré son regard perçant, avait l’air moins sombre et plus doux qu’il ne lui avait semblé à table. Mais elle n’eut pas le temps de confirmer ou de rectifier cette impression nouvelle, car il s’était déjà remis à étudier la main dont il faisait l’examen.

« Eh, ma foi, murmura Pancks, indiquant avec son gros doigt une ligne prophétique, je veux être pendu si ce n’est pas moi qui suis là dans le coin ! Qu’est-ce que je viens faire là ? Qu’y a-t-il donc derrière moi ? »

Il promena lentement son doigt jusqu’au poignet, puis autour