Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/293

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vous savez, riche, belle et bonne… enfin une princesse comme on n’en a jamais vu ! »

La petite Dorrit réfléchit un instant ; puis, le visage animé par un sourire un peu triste et rougi par un reflet du soleil couchant, elle commença ainsi :

« Il y avait une fois un roi, qui possédait tout ce qu’il pouvait désirer et même beaucoup plus. Il avait de l’or et de l’argent, des diamants et des rubis, des richesses de toute espèce. Il avait des palais et des…

— Des hôpitaux, intercala Maggy, berçant toujours ses genoux. Donnez-lui des hôpitaux, petite mère, parce qu’on y est si bien. Des hôpitaux avec du poulet à foison.

— Oui, il en avait aussi, Maggy ; il avait de tout en abondance.

— Des pommes de terre frites en abondance, par exemple ? demanda Maggy.

— Abondance de tout.

— Bravo ! s’écria Maggy avec un ricanement de satisfaction. Quel fameux roi !

— Le roi avait une jeune fille qui était la plus belle et la plus sage princesse qu’on ait jamais vue. Lorsqu’elle était enfant, elle comprenait ses leçons d’avance ; ses maîtres n’avaient pas la peine de lui rien apprendre ; et quand elle fut grande, elle devint la merveille du monde. Or, près du palais où demeurait cette princesse, il y avait une cabane habitée par une pauvre petite femme pas plus haute que ça, qui vivait toute seule…

— Une vieille femme, interrompit Maggy, en faisant claquer sa langue en signe de satisfaction.

— Non, pas une vieille femme ; au contraire, elle était toute jeune.

— Et elle n’avait pas peur de demeurer toute seule ? Ça m’étonne. Continuez, s’il vous plaît, petite mère.

— La princesse passait presque tous les jours devant la cabane, et chaque fois qu’elle y passait dans sa belle voiture, elle voyait la pauvre petite femme mignonne qui filait à la porte, et la princesse regardait la petite femme mignonne, et la petite femme mignonne regardait la princesse. Or, un jour elle dit à son cocher de s’arrêter à quelques pas de la cabane. Elle descendit, et s’avança pour jeter un coup d’œil dans la cabane, et la petite femme s’y trouvait en train de filer comme toujours ; la princesse la regarda et elle regarda la princesse.

— Comme pour dire : « Voyons donc un peu qui fera baisser les yeux à l’autre ! » dit Maggy. Continuez, s’il vous plaît, petite mère.

— Cette princesse était une si merveilleuse princesse, qu’elle devinait tous les secrets, et elle dit à la petite femme mignonne : « Pourquoi renfermez-vous ainsi l’image que vous savez ? » Alors l’autre vit tout de suite que la princesse avait découvert pourquoi elle vivait toute seule, filant du matin au soir ; et elle se jeta aux genoux de la princesse et la supplia de ne pas la trahir. Alors la