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LA PETITE DORRIT



CHAPITRE XXXV.

Ce qu’il y avait derrière M. Pancks sur la main de la petite Dorrit.


Ce fut à cette époque que M. Pancks, remplissant la promesse qu’il avait faite à Clennam, lui révéla toutes les péripéties de son rôle de bohémien et lui raconta la bonne aventure de la petite Dorrit. Le Doyen était héritier universel d’une vaste propriété longtemps ignorée, que personne n’avait réclamée et dont les revenus s’étaient accumulés. Son titre était clair comme le jour, tous les obstacles étaient renversés, la porte de la geôle allait s’ouvrir, les murs de la prison allaient crouler pour lui, le Doyen n’avait plus qu’à donner quelques signatures pour se trouver tout à coup à la tête d’une très-grande fortune.

Dans les recherches qu’il avait fallu faire pour établir les droits de M. William Dorrit, Pancks avait déployé une sagacité merveilleuse, une patience et une discrétion infatigables.

« Lorsque nous avons traversé Smithfield, côte à côte, dit-il à Clennam, et que je vous ai raconté mes fonctions de collecteur, je ne me doutais guère, monsieur, de ce qui allait arriver. Je ne me doutais guère, monsieur, lorsque je vous ai dit que vous n’aviez rien de commun avec les Clennam de la Cornouailles, que je vous apprendrais un jour ce que c’est que les Dorrit du Dorsetshire. »

Il raconta alors comment ce nom inscrit dans son calepin avait attiré son attention quand il l’avait entendu prononcer ; comment, ayant plus d’une fois découvert que deux noms dont l’orthographe était identique et qui appartenaient au même endroit, n’impliquaient aucune parenté, il n’avait pas d’abord attaché beaucoup d’importance à ce fait, sauf qu’il s’était dit : « Quelle transformation étonnante ce serait dans l’existence de la petite couturière, si on parvenait à prouver que le Doyen a des droits à un si vaste héritage ! Puis Pancks se figurait que ce qui l’avait engagé à pousser plus loin l’affaire, c’est qu’il y avait dans le caractère calme et paisible de la petite couturière quelque chose d’extraordinaire qui intéressait et piquait sa curiosité ; qu’il avait procédé pas à pas avec des précautions infinies, enlevant les obstacles grain à grain, comme la taupe fait son terrier (cette comparaison est de M. Pancks.) Qu’au commencement de ce travail (et pour rendre plus expressive l’image de la taupe, M. Pancks en disant cela ferma les yeux et fit tomber ses cheveux par-devant, pour aider à la cécité de son rôle), des lueurs subites et des espérances imprévues avaient succédé à une soudaine obscurité, et réciproquement. Qu’il avait fait la connaissance de quelques détenus, afin de