Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/12

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« Mon jeune gaillard, dit l’homme, en se léchant les lèvres, tu as des joues bien grasses. »

Je crois qu’effectivement mes joues étaient grasses, bien que je fusse resté petit et faible pour mon âge.

« Du diable si je ne les mangerais pas ! dit l’homme en faisant un signe de tête menaçant, je crois même que j’en ai quelque envie. »

J’exprimai l’espoir qu’il n’en ferait rien, et je me cramponnai plus solidement à la pierre sur laquelle il m’avait placé, autant pour m’y tenir en équilibre que pour m’empêcher de crier.

« Allons, dit l’homme, parle ! où est ta mère ?

— Là, monsieur ! » répondis-je.

Il fit un mouvement, puis quelques pas, et s’arrêta pour regarder par-dessus son épaule.

« Là, monsieur ! repris-je timidement en montrant la tombe. Aussi Georgiana. C’est ma mère !

— Oh ! dit-il en revenant, et c’est ton père qui est là étendu à côté de ta mère ?

— Oui, monsieur, dis-je, c’est lui, défunt de cette paroisse.

— Ah ! murmura-t-il en réfléchissant, avec qui demeures-tu, en supposant qu’on te laisse demeurer quelque part, ce dont je ne suis pas certain ?

— Avec ma sœur, monsieur… Mrs Joe Gargery… la femme de Joe Gargery, le forgeron, monsieur.

— Le forgeron… hein ? » dit-il en regardant le bas de sa jambe.

Après avoir pendant un instant promené ses yeux alternativement sur moi et sur sa jambe, il me prit dans ses bras, me souleva, et, me tenant de manière à ce que ses yeux plongeassent dans les miens, de haut en bas, et les miens dans les siens, de bas en haut, il dit :