Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/66

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de pierres grossières, et nous le vîmes entrer dans la barque qui s’éloigna aussitôt, mise en mouvement par un équipage de forçats comme lui. Aucun d’eux ne paraissait ni surpris, ni intéressé, ni fâché, ni bien aise de le revoir ; personne ne parla, si ce n’est quelqu’un, qui dans le bateau cria comme à des chiens :

« Nagez, vous autres, et vivement ! »

Ce qui était le signal pour faire jouer les rames. À la lumière des torches, nous pûmes distinguer le noir ponton, à très peu de distance de la vase du rivage, comme une affreuse arche de Noé. Ainsi ancré et retenu par de massives chaînes rouillées, le ponton semblait, à ma jeune imagination, être enchaîné comme les prisonniers. Nous vîmes le bateau arriver au ponton, le tourner, puis disparaître. Alors on jeta le bout des torches dans l’eau. Elles s’éteignirent, et il me sembla que tout était fini pour mon pauvre forçat.

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