Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/107

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jouies, flânant sur le pas de la porte, jouissaient des charmes de la brune, et du plaisir de coqueter, d’une façon toute primitive, avec certains animaux lourds et gauches attachés à la ferme. Le couple intéressant était assis dans le salon, négligés de tout le monde, ne se souciant de personne, et rêvant seulement d’eux-mêmes. Ils ressemblaient, en un mot, à une paire de gants d’agneau, repliés l’un dans l’autre et soigneusement serrés.

« J’ai oublié mes pauvres fleurs, murmura la tante demoiselle.

— Arrosez-les maintenant, répliqua M. Tupman avec l’accent de la persuasion.

— L’air du soir vous refroidirait peut-être, chuchota tendrement miss Rachel.

— Non, non, s’écria M. Tupman en se levant, cela me fera du bien au contraire. Laissez-moi vous accompagner. »

L’intéressante lady ajusta soigneusement l’écharpe qui soutenait le bras gauche du jouvenceau, et, prenant son bras droit, elle le conduisit dans le jardin.

À l’une des extrémités, on voyait un berceau de chèvrefeuille, de jasmin et d’autres plantes odoriférantes ; une de ces douces retraites que les propriétaires compatissants élèvent pour la satisfaction des araignées.

La tante demoiselle y prit, dans un coin, un grand arrosoir de cuivre rouge, et se disposa à quitter le berceau. M. Tupman la retint et l’attira sur un siége à côté de lui.

« Miss Wardle, » soupira-t-il.

La tante demoiselle fut saisie d’un tremblement si fort que les cailloux, qui se trouvaient par hasard dans l’arrosoir, se heurtèrent contre les parois de zinc, et produisirent un bruit semblable à celui que ferait entendre le hochet d’un enfant.

« Miss Wardle, répéta M. Tupman, vous êtes un ange.

— Monsieur Tupman ? s’écria Rachel en devenant aussi rouge que son arrosoir.

— Oui, poursuivit l’éloquent pickwickien. Je le sais trop… pour mon malheur !

— Toutes les dames sont des anges, à ce que disent les messieurs, rétorqua Rachel d’un ton enjoué.

— Qu’est-ce donc que vous pouvez être alors ; à quoi puis-je vous comparer ? Où serait-il possible de rencontrer une femme qui vous ressemblât ? Où pourrais-je trouver une aussi rare combinaison d’excellence et de beauté ? Où pourrais-je aller