Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/114

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— Elle l’a embrassé à son tour ! Je l’ai vue ! » répondit le gros joufflu en ricanant.

Si M. Jingle, de sa cachette, avait pu voir l’expression du visage de la vieille dame, à cette communication, il est probable qu’un soudain éclat de rire aurait trahi sa présence auprès du berceau. Mais il recueillit seulement des fragments de phrases irritées, telles que :

« Sans ma permission !… À son âge !… Misérable vieille que je suis !… Elle aurait pu attendre que je fusse morte !… »

Puis, ensuite, il entendit les pas pesants du gros garçon qui s’éloignait et laissait la vieille lady toute seule.

C’est un fait remarquable, peut-être, mais néanmoins c’est un fait, que M. Jingle, cinq minutes après son arrivée à Manoir-ferme, avait résolu, dans son for intérieur, d’assiéger sans délai le cœur de la tante demoiselle. Il était assez bon observateur pour avoir remarqué que ses manières dégagées ne déplaisaient nullement au bel objet de ses attaques, et il la soupçonnait fortement de posséder la plus désirable de toutes les perfections : une petite fortune indépendante. L’impérative nécessité de débusquer son rival d’une manière ou d’une autre s’offrit donc immédiatement à son esprit, et il résolut de prendre sans délai des mesures à cet égard. Fielding nous dit que l’homme est de feu, que la femme est d’étoupe, et que le prince des ténèbres se plaît à les rapprocher. M. Jingle savait que les jeunes gens sont aux tantes demoiselles comme le gaz enflammé à la poudre fulminante, et il se détermina à essayer sur-le-champ l’effet d’une explosion.

Tout en réfléchissant aux moyens d’exécuter cette importante résolution, il se glissa hors de sa cachette, et, protégé par les buissons susmentionnés, regagna la maison sans être aperçu. La fortune semblait déterminée à favoriser ses desseins. Il vit de loin M. Tupman et les autres gentlemen s’enfoncer dans le jardin ; il savait que les jeunes demoiselles étaient sorties ensemble après le déjeuner : la côte était donc libre.

La porte du salon se trouvant entr’ouverte, M. Jingle allongea la tête et regarda. La tante demoiselle était en train de tricoter. Il toussa, elle leva les yeux et sourit. Il n’existait aucune dose d’hésitation dans le caractère de M. Jingle ; il posa mystérieusement son doigt sur sa bouche, entra dans la chambre et ferma la porte.

« Miss Wardle, dit-il avec une chaleur affectée, pardonnez