Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« À propos, reprit-il, vous ne pourriez pas me prêter dix guinées, hein ? Affaire très-urgente. Vous rendrai ça dans trois jours.

— Je crois que je puis vous obliger, répondit M. Tupman dans la plénitude de son cœur. Dans trois jours, dites-vous ?

— Rien que trois jours ; tout fini, alors, plus de difficultés. »

M. Tupman compta les dix guinées dans la main de son compagnon, et celui-ci les insinua dans son gousset, pièce par pièce, tout en regagnant la maison.

« Attention ! dit M. Jingle, pas un regard.

— Pas un coup d’œil, repartit M. Tupman.

— Pas un mot !

— Pas une syllabe.

— Toutes vos cajoleries pour la nièce ; plutôt brutal qu’autre chose envers la tante, seul moyen de tromper les envieux…

— Je ne m’oublierai pas, répondit tout haut M. Tupman.

— Et je ne m’oublierai pas non plus, » dit tout bas M. Jingle.

Ils entraient alors dans la maison.

La scène du dîner fut répétée le soir même et pendant trois autres dîners et trois soirées subséquentes. Le quatrième soir, le vieux Wardle paraissait fort satisfait, car il s’était convaincu que M. Tupman avait été faussement accusé ; celui-ci était également joyeux, car M. Jingle lui avait dit que son affaire serait bientôt terminée ; M. Pickwick se trouvait très-heureux, car c’était son état habituel ; M. Snodgrass ne l’était pas, car il devenait jaloux de M. Tupman ; la vieille lady était de fort bonne humeur, car elle gagnait au whist ; enfin M. Jingle et miss Wardle étaient enchantés, pour des raisons tellement importantes dans cette véridique histoire, qu’elles seront racontées dans un autre chapitre.