Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/148

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tous les côtés, au milieu des chênes et des ormes gigantesques ; de nombreux troupeaux de daims paissaient l’herbe fraîche, et de temps en temps une biche effrayée traversait le chemin, légère comme l’ombre des nuages qui glisse rapidement sur un paysage inondé par la chaude lumière du soleil.

« Si tous ceux qui sont attaqués de la maladie de notre ami se retiraient dans cette contrée, dit M. Pickwick, en regardant autour de lui, je m’imagine que leur vieil attachement pour le monde renaîtrait bientôt.

— Je le pense aussi, dit M. Winkle.

— Et réellement, ajouta M. Pickwick, lorsqu’une demi-heure de marche les eut amenés dans le village, réellement, quoique choisi par un misanthrope, cet endroit me semble le plus joli et le plus séduisant que j’aie jamais rencontré. »

M. Winkle et M. Snodgrass s’associèrent sans restriction à ces louanges.

Bientôt après, ayant demandé la Bouteille de cuir, nos voyageurs furent dirigés vers une auberge d’assez bonne apparence, pour une auberge de village, et s’enquirent s’il s’y trouvait un gentleman nommé Tupman.

« Tom, dit l’hôtesse, menez ces messieurs, dans la salle. »

Sous la conduite d’un vigoureux paysan, les trois amis entrèrent dans une chambre longue et basse, dont les murailles étaient embellies d’une ribambelle de vieux portraits et d’images grossièrement coloriées, et dont le plancher était semé d’une multitude de chaises de cuir, d’une forme fantastique, au dos gigantesque. À l’extrémité de la salle une table se faisait remarquer par la blancheur éblouissante de sa nappe. Elle était décorée d’une volaille dodue, d’un jambon appétissant, d’un pot d’ale fraîche, etc. Et c’est à cette table séduisante qu’était assis M. Tupman, n’ayant en aucune façon l’air d’un homme qui a pris congé de ce monde.

À l’arrivée de ses amis, il posa son couteau, sa fourchette, et s’avança au-devant d’eux d’un air sombre.

« Je ne m’attendais pas à vous voir ici, dit-il en saisissant la main de M. Pickwick. C’est bien aimable.

— Ah ! fit M. Pickwick, en s’asseyant et en essuyant sur son front la sueur causée par sa promenade. Finissez votre dîner et venez dehors avec moi. Je désire vous parler, à vous seul. »

M. Tupman fit comme il lui était enjoint, et M. Pickwick s’étant rafraîchi d’un copieux coup d’ale, attendit le loisir de