Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/35

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« Avez-vous pris tout ce qu’il faut ? demanda M. Winkle, d’un ton agité.

— Tout ce qu’il faut. Quantité de munitions, dans le cas où les premiers coups n’auraient point de résultats. Il y a un quarteron de poudre dans la boîte, et j’ai deux journaux dans ma poche pour servir de bourre. »

C’étaient là des preuves d’amitié dont il était impossible de n’être point reconnaissant. Il est probable que la gratitude de M. Winkle fut trop vive pour qu’il pût l’exprimer, car il ne dit rien, mais il continua de marcher, assez lentement.

« Nous arrivons juste à l’heure, dit M. Snodgrass en franchissant la haie du premier champ ; voilà le soleil qui descend derrière l’horizon. »

M. Winkle regarda le disque qui s’abaissait, et il pensa douloureusement aux chances qu’il courait de ne jamais le revoir.

« Voici l’officier, s’écria-t-il au bout de quelque temps.

— Où ? dit M. Snodgrass.

— Là. Ce gentleman en manteau bleu. »

Les yeux de M. Snodgrass suivirent le doigt de son compagnon, et aperçurent une longue figure drapée, qui fit un léger signe de la main, et continua de marcher. Nos deux amis s’avancèrent silencieusement à sa suite.

De moment en moment la soirée devenait plus sombre. Un vent mélancolique retentissait dans les champs déserts : on eût dit le sifflement lointain d’un géant, appelant son chien. La tristesse de cette scène communiquait une teinte lugubre à l’âme de M. Winkle. En passant l’angle du fossé, il tressaillit, il avait cru voir une tombe colossale.

L’officier quitta tout à coup le sentier, et après avoir escaladé une palissade et enjambé une haie, il entra dans un champ écarté. Deux messieurs l’y attendaient. L’un était un petit personnage gros et gras, avec des cheveux noirs ; l’autre, grand et bel homme, avec une redingote couverte de brandebourgs, était assis sur un pliant avec une sérénité parfaite.

« Voilà nos gens, avec un chirurgien, à ce que je suppose dit M. Snodgrass. Prenez une goutte d’eau-de-vie. » M. Winkle saisit avidement la bouteille d’osier que lui tendait son compagnon et avala une longue gorgée de ce liquide fortifiant.

« Mon ami, M. Snodgrass, » dit M. Winkle à l’officier qui s’approchait.

Le second du docteur Slammer salua et produisit une boîte