Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/93

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— Pour faire quoi ?

— Pour effrayer les corneilles.

— Ah ! voilà tout ?

— Oui. Vous voilà entièrement tranquille ?

— Tout à fait.

— Très-bien ! Commencerai-je ? ajouta le vieux gentleman en s’adressant à M. Winkle.

— Oui, s’il vous plaît, répondit celui-ci, enchanté d’avoir un moment de répit.

— Reculez-vous un peu. Allons ! voilà le moment ! »

L’un des enfants cria en secouant une branche, sur laquelle était un nid, et aussitôt une douzaine de jeunes corneilles, interrompues au milieu d’une très-bruyante conversation, s’élancèrent au dehors pour demander de quoi il s’agissait. Le vieux gentleman fit feu, par manière de réplique. L’un des oiseaux tomba et les autres s’envolèrent.

— Ramassez-le Joe, » dit le vieux gentleman.

Le corpulent jeune homme s’avança, et ses traits s’épanouirent en guise de sourire : des visions indistinctes de pâtés de corneilles flottaient devant son imagination. En emportant l’oiseau, il riait, car la victime était grasse et tendre.

« Maintenant, à votre tour, monsieur Winkle, dit le vieux gentleman en rechargeant son fusil. Allons ! tirez ! »

M. Winkle s’avança, et épaula son fusil. M. Pickwick et ses compagnons se reculèrent involontairement, pour éviter la pluie de corneilles qu’ils étaient sûrs de voir tomber sous le plomb dévastateur de leur ami. Il y eut une pose solennelle, un grand cri, un battement d’ailes, un léger clic…

« Oh ! oh ! fit le vieux gentleman.

— Il ne veut pas partir ? demanda M. Pickwick.

— Il a raté, répondit M. Winkle, qui était fort pâle, probablement de désappointement.

— C’est étrange, dit le vieux gentleman en prenant le fusil. Cela ne lui est jamais arrivé.

— Comment ? je ne vois aucun reste de la capsule.

— En vérité ? répartit M. Winkle : j’aurai complétement oublié la capsule. »

Cette légère omission fut réparée ; M. Pickwick s’abrita de nouveau, et M. Tupman se mit derrière un arbre. M. Winkle fit un pas en avant, d’un air déterminé, en tenant son fusil à deux mains. L’enfant cria ; quatre oiseaux s’envolèrent ; M. Winkle leva son arme ; on entendit une explosion, puis un cri