Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/210

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à pêcher, de billes, de trognons de pommes et autres objets confisqués aux paresseux de l’école. Accrochés à la muraille, on voyait se carrer dans toute leur majesté terrifique, sur deux supports, la canne et le martinet ; et près de là, sur une petite planchette ad hoc le bonnet d’âne, fait de vieux journaux et décoré d’une quantité de pains à cacheter des plus larges et des plus apparents. Mais le principal ornement des murs consistait en des sentences morales parfaitement transcrites en belle écriture ronde, en un certain nombre d’additions et de multiplications fort bien chiffrées : tout cela venait évidemment de la même main, et ces tableaux se trouvaient disposés tout autour de la salle dans le double but, très-évident, d’offrir un témoignage de l’excellent enseignement de l’école et d’exciter l’émulation dans le cœur des écoliers.

« Eh bien ! dit le vieux maître d’école, remarquant que l’attention de Nelly était absorbée par ces spécimens, voilà une belle écriture ! n’est-ce pas, ma chère petite ?

— Très-belle, monsieur, répondit-elle modestement. Est-ce la vôtre ?

— La mienne ! s’écria-t-il, tirant ses lunettes et les mettant sur son nez pour jouir mieux d’un triomphe toujours cher à son cœur. Oh ! non, je ne pourrais pas écrire aujourd’hui comme cela. Non ! tous ces tableaux sont de la même main, une petite main, plus jeune que la vôtre, mais pourtant très-habile. »

En parlant ainsi, le maître d’école s’aperçut qu’une légère tache d’encre avait été jetée sur un des tableaux. Il tira de sa poche un canif, et, s’approchant du mur, il gratta soigneusement la tache. Cette besogne achevée, il alla lentement à reculons contempler l’exemple d’écriture avec admiration, comme on pourrait contempler la plus belle peinture. Mais, dans sa voix, dans son geste, il y avait quelque chose de triste qui émut profondément Nelly, bien qu’elle en ignorât la cause.

« Oh ! oui, une petite main ! … dit le pauvre maître d’école. Un enfant bien supérieur à tous ses camarades, à l’étude comme au jeu. Comment se fait-il qu’il se soit tant attaché à moi ? Que je l’aime, il n’y a rien d’étonnant à cela ; mais qu’il m’aime ainsi, lui ! … »

Ici, le maître d’école s’arrêta ; il retira ses lunettes pour les essuyer, car les verres s’en étaient obscurcis.