Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/218

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une demi-heure, en se tenant près de la fenêtre de l’école à dire à une autre vieille dame que le maître devrait nécessairement déduire ce demi-congé du payement de la semaine, ou qu’il pouvait bien s’attendre à recevoir une opposition par huissier ; on n’avait déjà pas tant besoin de paresseux dans le pays. Ici la vieille dame éleva la voix. Les individus trop paresseux même pour être maîtres d’école, pourraient bien, avant peu, voir d’autres individus leur passer sur le casaquin ; pour sa part, elle ne manquerait pas de donner aux postulants de bons avis, pour qu’ils se tinssent prêts au besoin. Mais tous ces reproches, toutes ces scènes de violence n’aboutirent pas à tirer une parole du bon maître d’école qui restait assis, ayant Nelly à ses côtés : seulement il en était un peu plus abattu peut-être, mais toujours silencieux et n’ouvrant pas la bouche, pas même pour se plaindre.

Vers la nuit, une vieille femme traversa le jardin en se traînant de son mieux : et ayant rencontré à sa porte le maître d’école, elle l’avertit de se rendre immédiatement chez la dame West, et de partir devant elle au plus vite. Le maître et Nelly étaient au moment d’aller faire un tour ensemble ; et, sans quitter la main de l’enfant, il se précipita dehors, laissant la messagère le suivre comme elle pourrait.

Ils s’arrêtèrent à la porte d’une chaumière : le maître frappa doucement avec la main. La porte fut ouverte aussitôt. Ils entrèrent dans une chambre où un petit groupe de femmes en entourait une plus âgée que les autres, qui pleurait amèrement ; se tordait les mains et s’abandonnait à des mouvements convulsifs.

« Chère dame, dit le maître d’école prenant une chaise auprès d’elle, eh quoi ! est-il donc si mal ?

— Il s’en va grand train, s’écria la vieille femme ; mon petit-fils se meurt ! Et tout cela par votre faute. Je ne vous laisserais certainement pas en ce moment approcher de lui, n’était le vif désir qu’il a de vous voir. Voilà où vous l’avez réduit avec votre belle instruction. Ô mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! que faire ? …

— Ne dites pas qu’il y ait de ma faute, répondit le bon maître d’école. Je ne vous en veux pas, ma chère dame. Non, non ! vous êtes accablée, et vous ne pensez pas ce que vous dites. Je suis sûr que vous ne le pensez pas.