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NICOLAS NICKLEBY.

pense ; je n’ai pas assez d’amis pour les confondre avec les indifférents, et oublier, le meilleur de tous.

Ils marchèrent une couple d’heures en causant ainsi, et ils auraient pu voyager une couple de jours, si Nicolas ne se fût assis sur une pierre au bord de la route et n’eût déclaré formellement qu’il ne ferait point un seul pas avant que Newman s’en fût retourné.

Après avoir inutilement demandé de les accompagner encore un demi-mille, Newman fut forcé de céder, et de diriger sa course vers Golden square, en échangeant de tendres adieux et en se retournant à plusieurs reprises pour agiter son chapeau aux deux voyageurs, qui ne parurent bientôt qu’un point à l’horizon.

— Maintenant, Smike, écoutez-moi, dit Nicolas ; nous allons à Portsmouth. Smike fit un signe de tête et sourit, mais il n’exprima aucune émotion, car il lui était indifférent d’aller à Portsmouth ou à Port-Royal, pourvu qu’ils s’y rendissent ensemble

— Je ne sais trop ce qui en est, reprit Nicolas ; mais Portsmouth est un port de mer, et, si nous n’obtenons aucun autre emploi, je pense que nous pourrons trouver du service à bord de quelque vaisseau. Je suis jeune et actif, et pourrai être utile d’une foule de manières. Et vous ? — Je l’espère, répondit Smike, quand j’étais à… vous savez ce que je veux dire. — Oui, je sais, c’est inutile de nommer l’endroit. — Quand j’étais là, reprit Smike enchanté de l’espoir de montrer ses talents, je savais traire les vaches et panser les chevaux aussi bien que n’importe qui.

— Ah ! dit gravement Nicolas, je pense qu’on ne garde pas ordinairement des animaux de ces espèces à bord des vaisseaux, et même quand on a des chevaux, on ne les étrille pas avec un soin bien particulier. Il vous faudra apprendre quelque autre chose ; il n’y a rien d’impossible à une ferme volonté. — Oh ! je suis plein de bonne volonté, dit Smike reprenant courage. — Dieu le sait ! reprit Nicolas, et si vous venez à en manquer, nous aurons plus de peine, mais je travaillerai pour deux. Souffrez que je vous soulage de ce paquet. — Non ! non ! reprit Smike en reculant de quelques pas, ne me demandez pas de vous l’abandonner. — Pourquoi pas ? — Laissez-moi faire quelque chose pour vous au moins ; vous ne me donnerez jamais occasion de vous servir comme je le dois. — Pendant que j’y pense et que nous sommes seuls, ajouta-t-il en le regardant fixement, permettez que je vous adresse une question. Avez-vous bonne mémoire ? — Je ne sais, dit Smike en secouant douloureusement la tête, je crois que j’avais de la mémoire autrefois, mais elle s’est en allée. — Pourquoi croyez-vous que vous en aviez autrefois ? demanda