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NICOLAS NICKLEBY.

— Eh bien ! poursuivit-il, comment en êtes-vous arrivé là ? vous êtes… n’est-ce pas ? de qui ?

En disant ces mots, il posait le doigt sur la manche de l’habit noir de Nicolas.

— Je porte le deuil de mon père. — Ah ! dit précipitamment le vieillard, il est triste pour un jeune homme de perdre son père. Votre mère vit encore peut-être, la pauvre veuve ?

Nicolas soupira.

— Vous avez des frères et des sœurs ? — Une sœur. — Je la plains, je la plains. J’ai lieu de croire que vous êtes instruit. — J’ai été passablement bien élevé. — Tant mieux, tant mieux ! l’éducation est un grand point, un point très-important ; je n’en ai jamais eu, et c’est pourquoi je l’admire davantage dans les autres. Donnez-moi plus de détails sur vous ; contez-moi votre histoire. Ce n’est point la curiosité qui me guide ; non, non.

Il y avait quelque chose de si pressant et de si cordial dans la manière dont tout ceci fut dit, avec un tel mépris de la contrainte et de la froideur qu’établissent les convenances, que Nicolas ne put y résister. Entre des hommes doués de quelques bonnes et solides qualités, rien n’est contagieux comme la franchise. Nicolas s’en ressentit aussitôt, et lui exposa sans réserve ses principales aventures, se contentant de supprimer les noms et glissant aussi légèrement que possible sur la conduite de son oncle envers Catherine. Le vieillard écouta très-attentivement, et quand le narrateur se tut, il lui prit le bras avec empressement.

— Pas un mot de plus, pas un seul, dit-il ; suivez-moi, ne perdons pas une minute.

À ces mots, le vieillard l’entraîna dans Oxford street, héla un omnibus qui se dirigeait vers la Cité, y poussa Nicolas, et l’y suivit.

Comme il semblait dans un état extraordinaire d’agitation, et que, toutes les fois que Nicolas voulait prendre la parole, il ripostait par :

— Pas un mot de plus, mon cher monsieur, pas un mot de plus ! Le jeune homme crut devoir garder le silence. Ils voyagèrent donc vers la Cité sans échanger un seul mot, et plus ils avançaient, plus Nicolas faisait d’hypothèses sur la fin probable de l’aventure.

Quand ils arrivèrent à la banque, le vieillard sortit précipitamment de l’omnibus, reprit Nicolas par le bras, et suivit avec lui plusieurs ruelles et passages jusqu’à ce qu’ils débouchassent dans une petite place ombreuse et paisible. Il l’introduisit dans la plus vieille et la plus apparente maison de la place. Il n’y avait à côté de la