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NICOLAS NICKLEBY.

dit Ralph ; et que comptez-vous faire pour gagner du pain, Monsieur ? — Ne pas vivre aux dépens de ma mère, répliqua Nicolas, dont le cœur se gonflait. — Vous feriez assez maigre chère à ses dépens, reprit l’oncle en le regardant avec mépris. — Quelle que soit ma position, dit Nicolas rouge de colère, je ne m’adresserai pas à vous pour l’améliorer. — Nicolas, mon cher, contenez-vous, s’écria madame Nickleby. — Cher Nicolas, je vous en prie, dit la jeune fille. — Retenez votre langue, Monsieur, dit Ralph. Voilà de beaux commencements, madame Nickleby, de beaux commencements.

Madame Nickleby ne répondit qu’en conjurant Nicolas par un geste de garder le silence, et l’oncle et le neveu se regardèrent l’un l’autre pendant quelques secondes sans parler. La physionomie du vieillard était sévère, dure et repoussante ; celle du jeune homme, ouverte, belle et candide. L’œil clignotant du vieillard avait l’expression de l’avarice et de la fourberie, celui du jeune homme brillait de la lueur de l’intelligence et du sentiment. Sa figure était un peu grêle, mais mâle et régulière ; et, à part toute la grâce de la jeunesse et de la beauté, il y avait dans son regard et dans son maintien une émanation de son jeune cœur chaleureux qui confondit le vieillard.

Quelque frappant que soit un semblable contraste pour les assistants, personne n’en sent plus vivement la portée que celui même dont il accuse l’infériorité. Ralph en eut l’âme ulcérée, et dès ce moment il détesta Nicolas. Ralph mit un terme à cette inspection mutuelle en détournant les yeux avec dédain, et en traitant Nicolas d’enfant.

— Eh bien ! Madame, dit Ralph avec impatience, les créanciers ont tout saisi, dites-vous, et il ne vous reste rien. — Rien, répondit madame Nickleby. — Et vous dépensez le peu d’argent que vous avez à venir à Londres pour voir ce que je pourrai faire pour vous ? — J’espérais, balbutia madame Nickleby, que vous pourriez avoir occasion de faire quelque chose pour les enfants de votre frère : à son lit de mort, il a désiré que j’implorasse pour eux votre appui. — Je ne sais comment cela se fait, murmura Ralph en se promenant de long en large dans la chambre, mais quand un homme meurt sans fortune personnelle, il croit toujours avoir le droit de disposer de la fortune des autres. À quoi votre fille est-elle bonne, Madame ? — Catherine a été bien élevée, dit en sanglotant madame Nickleby. Ma chère, dites à votre oncle où vous en êtes du français et autres connaissances.

La pauvre enfant était sur le point de murmurer quelques paroles, quand son oncle l’arrêta très-impoliment.