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NICOLAS NICKLEBY.

donnera cette négociation, je veux cinq cents livres sterling… C’est peu de chose parce que vous aurez pour vous cette femme. Pour le troisième et dernier article, j’exige que vous me fassiez un billet par lequel vous vous engagerez à me payer ces deux sommes le jour de votre mariage avec Madeleine Bray avant midi. Telles sont mes conditions ; acceptez-les si vous voulez, ou mariez-vous sans moi si vous pouvez.

Ralph fut sourd à toutes les protestations d’Arthur Gride, et repoussa tout amendement aux trois articles proposés. Pendant qu’Arthur se récriait contre l’énormité des demandes, il y accédait peu à peu. Ralph demeura silencieux, et examina tranquillement les notes de son portefeuille. Enfin, Arthur Gride, qui s’était préparé avant sa visite à un résultat analogue, consentit au traité et signa le billet en soupirant ; mais il requit Nickleby de l’accompagner immédiatement chez Bray et d’entamer la négociation si les circonstances paraissaient favorables à leur projet.

Les deux usuriers sortirent bientôt après, et Newman Noggs, sa bouteille à la main, s’empressa de quitter son placard.

— Je n’ai plus faim maintenant, dit Newman, j’ai dîné. Je ne connais pas cette jeune personne, mais je la plains de tout mon cœur. Je ne puis la secourir, pas plus que les malheureuses victimes d’autres complots non moins vils que celui-ci. Quand j’ai connaissance de ces lâches trames, ça ne sert qu’à me tourmenter inutilement. Gride et Nickleby, quel couple ! Ô friponnerie ! friponnerie !

Après ces exclamations, accompagnées de violents coups de poing sur le sommet de son infortunée coiffure, Newman Noggs, dont la cervelle était légèrement troublée par l’absorption du contenu de sa bouteille, alla chercher des consolations chez un restaurateur voisin.

Cependant les deux complices s’étaient rendus à la maison où Nicolas avait paru pour la première fois, quelques jours auparavant. Ils avaient obtenu accès auprès de M. Bray, qui était seul, et étaient arrivés par d’habiles détours au véritable objet de leur visite. M. Bray, très-surpris au premier abord, s’était renversé dans sa chaise longue, et promenait ses regards d’Arthur Gride à Ralph Nickleby.

— Pouvez-vous, disait ce dernier, lui reprocher votre détention ? J’en suis moi-même la cause, il faut vivre, voyez-vous. Vous connaissez trop bien le monde pour ne pas juger sainement les choses. Nous vous offrons la meilleure réparation qui soit en notre pouvoir. Que dis-je, une réparation ! nous vous offrons un parti que plus d’un père titré souhaiterait pour sa fille : monsieur Arthur Gride, avec une fortune de prince ! — Monsieur, répondit fièrement Bray, ma fille, avec l’éducation que je