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NICOLAS NICKLEBY.

c’était bien mercredi… oui, sans doute, vous vous le rappelez, Catherine ; le jour de la dernière visite de M. Frank… mercredi dernier Smike a disparu absolument de la même manière, au moment où M. Frank frappait à la porte. Ce ne peut être parce qu’il fuit la société, car il aime tous les amis de Nicolas, et certes le jeune M. Cheeryble en fait partie, et ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’il ne se couche pas. S’il monte, ce n’est donc point parce qu’il est fatigué. Je sais qu’il ne se couche pas, parce que ma chambre est près de la sienne ; et quand je suis montée mercredi dernier, très-longtemps après lui, je l’ai trouvé assis sans lumière, et n’ayant pas même ôté ses souliers. C’est bien singulier.

Comme les auditeurs, ne sachant que dire ou ne voulant pas interrompre, gardèrent un profond silence, madame Nickleby suivit le fil de son discours.

L’arrivée de M. Tim Linkinwater et de M. Frank empêcha de continuer.

— Je suis fâchée, dit madame Nickleby, que Nicolas ne soit pas à la maison, mais nous ne vous en presserons pas moins de rester. Ma chère Catherine, joignez vos instances aux miennes.

Catherine obéit ; mais il est à remarquer qu’elle s’adressa exclusivement à M. Tim, et qu’il y avait en outre un certain embarras dans ses manières. Cet embarras ne lui ôtait rien, d’ailleurs, de sa grâce et de son aménité.

L’absence de Smike et de Nicolas ne nuisit point à la bonne humeur de la société. Tim dit à miss la Creevy mille choses plaisantes. De son côté, la petite miss la Creevy railla Tim d’être resté garçon ; et Tim, piqué au vif, déclara qu’il n’hésiterait pas à changer de condition si quelqu’un voulait de lui. Miss la Creevy lui recommanda aussitôt une dame de sa connaissance, jouissant d’une fort jolie fortune ; mais Tim assura avec énergie qu’il tenait moins à l’argent qu’au mérite réel. Cette déclaration, si honorable pour lui, fut louée outre mesure par madame Nickleby et miss la Creevy.

Catherine était ordinairement l’âme de la conversation ; mais elle fut, en cette occasion, plus silencieuse que de coutume, peut-être parce que Tim et miss la Creevy parlaient pour tout le monde. Elle s’assit à la fenêtre pour jouir de la tranquille beauté du soir, qui, à ce qu’il paraît, n’avait pas moins de charmes pour Frank ; car, après avoir passé et repassé plusieurs fois devant elle, il finit par s’asseoir à ses côtés.

Après le départ de MM. Tim et Frank, Catherine demeura toute pensive. Près de deux heures s’écoulèrent en silence, et, au retour de Nicolas, Catherine rougit en songeant au temps qu’elle avait passé seule à rêver.