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NICOLAS NICKLEBY.

malade ! je suis raillé par un courtaud de boutique, et elle le prie d’avoir pitié de moi et de se rappeler que je suis malade !

M. Bray eut une syncope si violente, que Nicolas craignit un moment pour si vie ; mais, le voyant se remettre, il se retira après avoir fait signe à Madeleine qu’il avait quelque chose à lui communiquer, et qu’il l’attendrait. Le malade revint lentement à lui, et, sans paraître se souvenir distinctement de ce qui s’était passé, il pria sa fille de le laisser seul.

— Oh ! pensa Nicolas, puisse cette faible chance ne pas m’échapper, et puissé-je obtenir d’elle au moins une semaine de délai et de réflexion ! — Vous êtes chargé d’un message pour moi, Monsieur, dit Madeleine en reconduisant Nicolas, ne m’en parlez pas maintenant, je vous en conjure, revenez après-demain. — Il sera trop tard, trop tard pour ce que j’ai à vous dire, et vous ne serez plus ici. Ah ! Madame, si vous avez la moindre affection pour celui qui m’a envoyé, le moindre souci de votre tranquillité, je vous supplie de m’accorder un entretien.

Elle essaya de rentrer, mais Nicolas la retint doucement.

— Je ne vous demande que de m’entendre, non pas moi seul, mais celui au nom duquel je parle, qui est absent et ignore votre danger.

La domestique était là, les yeux gonflés de larmes, et Nicolas l’implora en termes si passionnés, qu’elle ouvrit une porte dérobée, conduisit sa maîtresse dans une chambre voisine et fit signe à Nicolas de les suivre.

— De grâce ! laissez-moi, Monsieur. — Je ne puis vous quitter ainsi, j’ai un devoir à accomplir, et je dois vous conjurer de réfléchir sur le funeste parti qu’on vous fait prendre. — Quel parti, Monsieur, me fait-on prendre ? dit Catherine en s’efforçant de montrer de la fierté. — Je parle de ce mariage fixé à demain par un homme qui n’a jamais refusé son concours à une méchante action, de ce mariage dont l’histoire m’est beaucoup plus connue qu’à vous-même ; je sais quel piège on vous tend, je connais les deux complices, vous êtes trahie, vendue pour de l’or. — Vous avez, dites-vous, un devoir à accomplir, répondit Madeleine avec fermeté ; et moi aussi, j’en ai un que j’accomplirai avec l’aide du ciel. Si cette union est un malheur, c’est moi qui l’ai cherchée ; on ne me fait point prendre ce parti ; j’agis librement et sans contrainte ; rapportez cela à mon cher bienfaiteur, recevez ainsi que lui mes remercîments, et quittez-moi pour jamais. — Non, pas avant de vous avoir conjurée avec toute l’ardeur dont je suis animé de différer ce mariage d’une semaine. Non, pas avant de vous avoir conjurée de réfléchir plus mûrement à ce que vous allez faire. Vous ne sauriez concevoir toute la perversité de l’homme auquel