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NICOLAS NICKLEBY.

— Laissez-moi, dit Nicolas ; si c’est ce que j’ose à peine espérer, vous voilà pris dans vos propres filets.

Il monta rapidement, se fit jour à travers la foule qui encombrait une petite chambre à coucher, et trouva Bray étendu mort sur le parquet, et sa fille le tenant embrassé.

— Comment est-ce arrivé ?

Plusieurs voix répondirent que par la porte entr’ouverte on avait aperçu Bray couché sur un fauteuil ; que, comme il ne répondait pas, on l’avait cru endormi, et qu’enfin, quelqu’un étant entré et l’ayant secoué par le bras, il était tombé lourdement à terre, et qu’on avait alors reconnu qu’il était mort.

— Quel est le propriétaire de cette maison ? demanda Nicolas.

Une dame âgée lui fut désignée. Il mit un genou en terre et détacha doucement les bras de Madeleine du cadavre autour duquel ils étaient enlacés.

— Madame, dit-il à la maîtresse de la maison, je représente les amis les plus dévoués de cette jeune personne, comme le sait sa domestique, et je dois l’arracher à cette scène affreuse. Voici ma sœur, aux soins de laquelle vous la confiez ; mon nom et mon adresse sont sur cette carte, et vous recevrez de moi tous les ordres nécessaires pour les arrangements à prendre. Écartez-vous, vous tous ; de la place et de l’air, au nom du ciel !

Tout le monde recula, non moins étonné de ce qui s’était passé que de l’impétuosité de celui qui parlait.

Nicolas prit dans ses bras Madeleine évanouie et la descendit au salon qu’il venait de quitter, suivi de sa sœur et de la fidèle servante ; il chargea celle-ci d’aller chercher une voiture pendant que Catherine et lui essayaient de rendre Madeleine à la vie.

Ralph et Gride étaient étourdis et paralysés par le fatal événement qui avait si brusquement déjoué leurs projets ; car autrement, il n’aurait peut-être produit sur eux aucune impression. Ce ne fut qu’au moment où Nicolas se préparait à enlever Madeleine que Ralph rompit le silence en déclarant qu’il ne la laisserait pas partir.

— Qui dit cela ? — Moi. — Silence ! s’écria Gride épouvanté, écoutez ce qu’il va dire. — Oui, reprit Nicolas, écoutez ce que je vais dire. Il vous a payés tous deux en payant sa dette à la nature. Le billet qui échoit aujourd’hui à midi est un chiffon de papier mutile, votre fraude sera découverte, vos projets sont connus des hommes et renversés par le ciel. — Mais, dit Ralph, cet homme réclame sa femme. — Elle ne l’est pas. — Il faut la lui rendre. — Il ne l’aura pas. — Qui l’en empêchera ? —