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NICOLAS NICKLEBY.

qu’elle avait vu quelque chose à manger, et que, n’y étant nullement habituée, elle s’était évanouie de frayeur.

Cette saillie divertit excessivement les auditeurs, et il fut difficile de les empêcher d’enfoncer la porte de la cuisine pour s’assurer du fait.

Ce ne fut pas tout ; comme le bruit du mariage avait couru, des plaisants assurèrent que M. Ralph était la fiancée déguisée en homme, et l’on s’indigna vivement de voir une fiancée en bottes et en pantalon. Enfin les deux usuriers se réfugièrent dans la maison voisine, se procurèrent une échelle et entrèrent par-dessus le mur de la cour.

— Je ne suis pas rassuré, je l’avoue, dit Arthur lorsqu’il fut chez lui ; si nous la trouvions assassinée, nageant dans son sang ? — Qu’importe ? dit Ralph ; je voudrais que de pareils accidents fussent plus communs et plus faciles à amener. Restez ici, si vous avez peur ; moi, je monte.

Il entra dans la maison, suivi de près par Arthur. C’était toujours le même lieu sombre, les mêmes meubles poudreux, la même horloge monotone ; les armoires chancelaient toujours dans leurs coins obscurs ; l’écho des pas rendait les mêmes sons lugubres ; l’araignée à longues pattes s’arrêtait dans sa course agile, et se suspendait aux murs en contrefaisant la morte lorsqu’on passait auprès d’elle

Les deux usuriers parcoururent la maison de la cave au grenier ; mais Peg n’y était pas. Après leur perquisition, ils s’arrêtèrent pour se reposer dans la chambre que Gride habitait ordinairement.

— La pendarde, dit Ralph se préparant à partir, est allée faire les apprêts de la noce ; voyez, je vais anéantir le billet, nous n’en aurons plus besoin.

En ce moment, Gride, agenouillé devant un grand coffre, fit entendre un cri terrible.

— Qu’y a-t-il ? demanda Ralph. — Je suis volé ! je suis volé ! — De quoi ? de votre argent ? — Non ! non ! C’est bien pis ! — De quoi donc ?

Semblable à un animal qui fouille la terre, Gride éparpilla les papiers qui étaient dans le coffre.

— Oh ! mon Dieu ! j’aurais mieux aimé qu’elle me volât mon argent ; je n’en ai pas beaucoup. Ah ! quel malheur ! quel désastre ! — Que vous a-t-on donc pris ! s’écria Ralph le secouant violemment par le collet. — Des actes, des papiers ; je suis ruiné ! je suis perdu ! elle m’a vu les lire, elle m’a épié, elle m’a vu les mettre dans une boite, la boîte n’est plus dans la caisse, elle l’a emportée, damnation !