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NICOLAS NICKLEBY.

surance de mon zèle et de mon dévouement. — Je n’en ai jamais douté. — Votre bonté m’interdit. Quand vous m’avez chargé d’une commission pour miss Bray ; j’aurais dû vous dire que je l’avais vue longtemps auparavant, et que sa beauté avait produit sur moi une impression ineffaçable. Si je ne vous l’ai pas avoué, c’est que j’ai follement cru pouvoir maîtriser mes sentiments. — Je suis convaincu, monsieur Nickleby, que vous n’avez pas abusé de ma confiance. — Non, car mon courage a grandi avec les obstacles, et je n’ai jamais adressé à miss Bray une parole, un regard, que comme je l’aurais fait en votre présence ; mais il est funeste à la tranquillité de mon âme, il est dangereux pour mes résolutions de vivre sous le même toit que cette charmante fille. Je ne puis me fier à mes propres forces, et je vous supplie de l’éloigner sans délai. Je sais que mon amour pour elle doit vous sembler téméraire ; mais qui aurait pu la voir et connaître sa vie sans l’aimer ? Donnez-moi les moyens de l’oublier, et accordez-moi la faveur de ne jamais lui révéler cet aveu, afin de me conserver son estime. — Soyez tranquille, monsieur Nickleby. J’ai eu tort de vous soumettre à une pareille épreuve, et j’aurais dû prévoir ce qui est arrivé. Madeleine changera de demeure. Mais est-ce là tout ce que vous avez à me dire ? — Non, Monsieur. — Je le savais, reprit M. Charles, que cette prompte réponse parut soulager d’un grand poids. Quand avez-vous eu connaissance du fait ? — Ce matin en arrivant. — Et vous avez cru devoir immédiatement venir me faire part de ce que votre sœur avait appris ? — Oui, quoique j’eusse d’abord désiré parler à M. Frank. — Frank a passé la soirée d’hier avec moi.

Nicolas exprima le vœu que l’amitié qui existait entre Frank et lui ne fût pas détruite ; que Catherine et Madeleine restassent unies, et raconta chaleureusement son entrevue du matin avec sa sœur. M. Charles l’écouta en silence, et tourna sa chaise de manière que Nicolas ne lui voyait pas la figure.

— Frank est un fou, dit M. Cheeryble après avoir écouté attentivement Nicolas. J’aurai soin de terminer sans délai cette affaire ; mais quittons ce sujet, qui m’est pénible. Revenez me voir dans une demi-heure ; j’ai d’étranges choses à vous apprendre. Votre oncle nous a donné à tous deux rendez-vous pour aujourd’hui. — Est-il possible ? — Oui, nous irons le trouver ensemble. Revenez dans une demi-heure, et je vous conterai tout ce qui s’est passé.

Pour comprendre ces paroles de M. Charles, il est nécessaire de savoir ce que Ralph avait fait la veille en quittant les frères Cheeryble.