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NICOLAS NICKLEBY.

John Browdie ouvrit lui-même la porte, écarquilla les yeux, et dit en battant des mains.

— Bon Dieu ! voilà le parrain ! voilà le parrain ! Mathilde, voilà M. Nickleby ! Votre main, mon brave ; entrez, entrez, mettez-vous là, auprès du feu ; prenez un verre d’eau-de-vie ; ne parlez pas avant de boire, mon ami. Dieu du ciel, suis-je content de vous voir !

Là-dessus, John entraîna Nicolas dans la cuisine, l’installa devant un brasier ardent, lui versa un demi-setier d’eau-de-vie dans un verre énorme, porta la main à sa bouche et pencha la tête en arrière pour lui faire signe de boire à l’instant même, et se tint devant lui, la face rouge et épanouie, comme un géant en belle humeur.

— J’aurais dû me douter que vous seul frappiez si fort à la porte. C’est ainsi que vous frappiez sur le dos du maître d’école ; ah ! ah ! ah ! Mais à propos, qu’est-il devenu ? — Il a été condamné à la déportation pour sept ans, comme détenteur d’un testament volé, et pour avoir trempé dans un complot. — Quel complot ? est-ce un complot du genre de la fameuse conspiration des poudres ? — Non, non, je vais vous expliquer ce dont il s’agit. — Ne vous pressez pas ; vous nous conterez ça après déjeuner, car vous avez faim et moi aussi, et il faut que Mathilde vous entende.

Mathilde se hâta de préparer un déjeuner qui eût pu largement suffire à dix personnes. Après le repas, Nicolas commença son récit, et produisit une vive impression sur ses auditeurs. John Browdie jura qu’il irait à Londres exprès pour voir les frères Cheeryble, et qu’il enverrait franc de port à Tim Linkinwater un jambon comme jamais couteau humain n’en avait découpé. Quand Nicolas fit le portrait de Madeleine, John se dit en lorgnant sa femme. Ce doit être une Mathilde en son genre. Et en apprenant que le voyage de Nicolas n’avait d’autre but que de leur faire part de ces bonnes nouvelles, le bon paysan passa la manche de son habit sur ses yeux.

— Pour revenir au maître d’école, dit-il un moment après, si l’on sait ses aventures à Dotheboys, la vieille et Fanny sont bien malades. — Ô John ! que dites-vous ? — Ô John tant que vous voudrez, mais j’ignore tout ce dont ces jeunes élèves sont capables. Il y a déjà des parents qui ont retiré leurs enfants ; mais si ceux qui restent sont au courant, ça va faire une révolution !…

Les appréhensions de John étaient si vives, qu’il résolut de monter à cheval et de partir sans délai pour l’école. Il invita Nicolas à l’accompagner ; mais celui-ci s’y