Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
NICOLAS NICKLEBY.

il avait trouvé moyen de vivre pendant plusieurs années, et auxquels il avait récemment ajouté des moustaches, fruit d’une culture assidue. Sa part dans les travaux et dans les affaires se bornait jusqu’à ce jour à dépenser de l’argent, et parfois, lorsqu’il n’en avait pas, à faire escompter à M. Ralph Nickleby les billets des pratiques.

— Madame ! dit Ralph, voici ma nièce. — Ah ! ah ! répondit madame Mantalini en toisant Catherine de la tête aux pieds et des pieds à la tête. Savez-vous parler français, mon enfant ? — Oui, Madame, répondit Catherine sans oser lever les yeux. — Nous avons constamment vingt jeunes ouvrières dans l’établissement, dit madame Mantalini. — Vraiment, Madame ! — Pendant combien d’heures êtes-vous habituée à travailler ? — Je n’ai jamais été habituée à travailler, Madame, dit Catherine à voix basse. — Raison de plus pour s’y mettre activement aujourd’hui, dit Ralph intervenant, de peur que cet aveu ne nuisit à la négociation entamée, — Je compte sur son zèle, reprit madame Mantalini ; nos heures sont de neuf à neuf ; plus, quand l’ouvrage donne, un travail extraordinaire, qui est payé à part.

Catherine s’inclina.

— Vous prendrez ici vos repas, c’est-à-dire le dîner et le thé. Vous gagnerez de cinq à sept schillings par semaine ; mais je ne puis vous préciser la somme avant d’avoir vu ce que vous savez faire.

Catherine s’inclina de nouveau.

— Si vous êtes prête, vous pourrez commencer lundi matin à neuf heures, et miss Knags, la première demoiselle, aura ordre de vous donner une tâche facile pour commencer. Souhaitez-vous encore quelque chose, monsieur Nickleby ? — Rien de plus, Madame. — C’est donc arrangé, dit la dame ; et elle jeta un coup d’œil du côté de la porte, comme si elle eût voulu s’en aller, mais retenue par la crainte de laisser à M. Mantalini seul l’honneur de reconduire les visiteurs. Ralph la tira d’embarras en prenant congé sans délai.

— Voilà ! dit Ralph lorsqu’ils furent dans la rue ; maintenant vous êtes casée. J’avais idée de placer votre mère dans une maison fort agréable (il pensait pouvoir disposer d’une place dans un hospice de vieillards fondé sur les frontières de la Cornouailles) ; mais, comme vous voulez rester ensemble, je ferai autre chose pour elle ; elle a peu d’argent ? — Très-peu. — Si peu qu’elle en ait, il peut durer longtemps si elle le ménage. Vous quittez votre logement samedi ? — Vous nous avez dit de le faire, mon oncle. — Oui ; il y a une maison vacante, qui m’appartient, et où je puis vous installer jusqu’à ce qu’elle soit louée, et alors, sauf les accidents imprévus, je vous en trouverai une autre. — Est-ce loin d’ici ? — Passablement ;