Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
NICOLAS NICKLEBY.

mettre le surplus de côté, jusqu’à ce qu’il eût occasion de le lui renvoyer franc de port par les messageries.

— Prenez ce morceau de bois, mon homme, ajouta John Browdie en présentant son bâton et serrant de nouveau la main de Nicolas. Bon courage, et que bien vous arrive ! Vous avez battu un maître d’école, c’est la meilleure histoire que j’ai entendue depuis vingt ans !

Par une délicatesse dont on ne l’aurait pas cru capable, John Browdie saisit cette occasion pour rire aux éclats et longtemps, afin d’éviter les remercîments de Nicolas ; puis il fit sentir l’éperon à son cheval et le lança au petit galop, se retournant de temps en temps pour regarder Nicolas, et agitant la main comme pour l’encourager. Nicolas suivit des yeux le cheval et le cavalier jusqu’à ce qu’ils disparussent derrière une colline éloignée, et il continua son voyage.

Il ne fit pas beaucoup de chemin ce jour ; la nuit était déjà venue, et la neige rendant la marche pénible et la route incertaine, il passa la nuit dans une chaumière, où l’on donnait à coucher à bas prix à la plus humble classe des voyageurs, se leva de bonne heure, et arriva vers le soir à Boroughbridge. En cherchant un abri dans cette ville, il arriva à une grange isolée à quelques centaines de pas de la route. Il étendit dans un coin ses membres fatigués, et fut bientôt endormi.

À son réveil, au moment où il repassait dans sa mémoire ses songes, qui avaient tous rapport à son séjour au château de Dotheboys, il se frotta les yeux, et aperçut, non sans trouble, un être immobile à peu de distance de lui.

— C’est étrange ! s’écria-t-il ; est-ce un reste des rêves qui viennent de me quitter ? Ce ne peut être une réalité… et cependant je suis bien éveillé… Smike !

La figure remua, se leva, s’avança et tomba à ses pieds : c’était Smike.

— Pourquoi vous agenouiller ? dit Nicolas en le relevant précipitamment. — Pour vous demander à vous suivre partout, au bout du monde, au tombeau même, répliqua Smike en lui saisissant la main ; accordez-le-moi, vous êtes mon appui, mon ami, mon protecteur ; emmenez-moi, je vous en conjure. — Je suis un ami qui ne peut faire grand’chose pour vous, dit Nicolas avec bonté. Comment vous trouvez-vous ici ? — Je vous ai suivi, je ne vous ai pas perdu de vue un moment, je me suis arrêté quand vous vous arrêtiez, j’ai veillé sur votre sommeil, mais sans oser me montrer, de peur d’être renvoyé. Je ne voulais pas encore paraître, mais vous vous êtes réveillé tout d’un coup, et je n’ai pas eu le temps de me cacher. — Pauvre garçon ! Votre triste destinée ne vous accorde qu’un ami, et il est presque aussi pauvre et aussi dénué que vous. — M’est-il permis de vous suivre ? demanda