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BOU

écrive que le chamois est l’ibex de cet Auteur, sont fréquens dans les Alpes qui séparent le Dauphiné d’avec la Savoie. Leur grandeur égale celle des cerfs, & le nom qu’ils ont, leur est venu du rapport qu’a leur figure avec celle des boucs. Leurs cornes sont longues & grosses outre mesure. Elles croissent d’un nœud chaque année, de sorte qu’il s’en trouve qui ont plus de 30 nœuds, & qui pèsent plus de 25 livres. Leur couleur est grise. ☞ Le bouctein plus agile & plus fort que le chamois auquel il ressemble beaucoup, s’élève jusqu’au sommet des plus hautes montagnes, au lieu que le chamois n’habite que le milieu. Mais ils franchissent tous deux les précipices, en sautant de rochers en rochers. Paradin remarque qu’il ne leur est point difficile de sauter d’en bas sur une muraille de la hauteur de 5 ou 6 hommes, pourvu qu’elle ne soit point unie, & qu’ils puissent mettre leurs pieds en quelqu’endroit qui les arrête. Cet animal s’apprivoise rarement, & quand il l’a été, il retourne, lorsqu’il devient vieux, dans sa première nature. ☞ Cependant quand on les prend bien jeunes, & qu’on les élève avec les chèvres domestiques, on vient à bout de les apprivoiser, & de les faire vivre comme elles en troupeaux. Il n’aime que les rochers les plus hauts & les plus escarpés, à cause du froid qui y domine, & ans lequel il perd la vue, & bientôt après la vie. Chorier. Hist. de Daup. p. 63.

BOUDELLE. s. f. Espèce de plume tirée du bout de l’aile des oies. Penna. Du Cange dérive ce mot de bdellus, qu’on a dit au même sens dans la basse latinité. C’est plutôt un mot corrompu de bout d’aile.

BOUDER. v. n. Témoigner par son silence, ou par sa mauvaise humeur, qu’on est fâché de quelque chose, sans se plaindre, ni en vouloir dire la cause. Mussare apud se tacitum. Les esprits foibles & timides sont sujets à bouder. Il ne sort point de la conversation familière.

☞ On le dit particulièrement des enfans qui témoignent quelque petit chagrin par la mine qu’ils font. Cet enfant boude toujours. Morosum esse.

Bouder, s’emploie quelquefois avec un régime actif, & signifie, marquer à quelqu’un qu’on est fâché contre lui ; le lui marquer, dis-je, non pas de paroles, mais par ses manières, par le froid & le chagrin dont on en use à son égard, pour faire sentir qu’on est fâché. Adversari aliquem, leviter abhorrere ab illo. Il me boude depuis trois jours. Il m’a boudé quinze jours pour un mot que je lui ai dit. Vous me boudez. Fuselier. Mentor boudoit Télémaque, lorsque celui-ci prêtoit l’oreille au langage trompeur des passions. Le Militaire en solitude. Il est aussi du style familier.

BOUDERIE, s. f. Mauvaise humeur, fâcherie cachée, état d’une personne qui boude. Morositas. Il faut laisser passer la bouderie de cette personne, & la prendre en meilleure humeur.

BOUDEUR, EUSE. adj. Celui qui boude. Morosus, tetricus. C’est un enfant naturellement boudeur. Il est d’une humeur boudeuse. Caractère boudeur.

Il s’emploie au substantif. C’est un boudeur, c’est une boudeuse.

BOUDIN. s. m. Boyau de porc empli de son sang & de sa panne hachée avec les assaisonnemens nécessaires. Botulus, botellus. Celui-là s’appelle boudin noir ; mais le boudin blanc est le même boyau rempli de blanc de chapon, de lait & autres ingrédiens. Par la novelle 18, de l’Empereur Léon, il est défendu de manger du boudin. Bonner, Evêque de Londres, étant en prison sous Henri VIII, écrivoit à un de ses amis pour le prier, aussi-bien que ses autres amis, de lui envoyer des poires & du boudin. Larrey, d’après les Recueils de Burnet.

 
Pendant que nous avons une si bonne braise,
Qu’une aune de boudin viendrait bien à propos !
A peine acheva-t-il de prononcer ces mots,
Que la femme apperçut, grandement étonnée,
Un boudin fort long, qui partant
D’un des coins de la cheminée,
S’approchait d’elle en serpentant. Perrault.

Peste soit du boudin, & du boudin encore ;
Plut à Dieu, maudite pécore,
Qu’il te pendît au bout du nez.
La prière aussi tôt du Ciel fut exaucée,
Et dès que le mari la parole lâcha,
Au nez de l’épouse irritée
L’aune de boudin s’attacha. Id.

Boudin, est un mot dont se servent les Architectes, pour signifier le tore de la colonne. Torus. Les Serruriers appellent ressort à boudin, un ressort délicat qu’ils appliquent dans la serrure pour repousser le demi-tour du pêne. Le ressort à boudin est aussi un fil d’Archal tourné en hélisse dans quelque tuyau, qui se lâche avec effort quand il a été pressé.

Boudin, en termes de Verriers. Voyez Boudine.

Boudin. Terme de Mineur. Les Mineurs appellent aussi boudin, une fusée où il entre des étoupes, & autres matières combustibles, dont on se sert dans les mines.

On dit proverbialement & bassement, qu’une affaire, une entreprise s’en ira en eau de boudin ; pour dire, qu’elle ne réussira pas. On dit qu’on envoie de son boudin à quelqu’un, quand on a tué son cochon, quand on lui fait présent de quelque plat de son métier. On dit d’un homme qui a un gros visage, que c’est un souffleur de boudin.

Faire boudin, est un vieux proverbe, qui signifie, marier un Gentilhomme avec une riche rotutière, parce que le mari annoblit la femme, & est le soutien de la maison; & la femme qui est riche, fournit de la graisse pour l’entretenir. Ce proverbe a été fait à l’occasion d’un nommé Reynold, Comte de Gueldre, lequel rétablit ses affaires ruinées par le mariage qu’il fit avec la fille d’un nommé Bertaut, riche marchand, comme témoigne Bellingen, en son Etymologie des Proverbes.

BOUDINE. s. f. Terme de Verreries. Nœud des verres, ou bosse qui se trouve au milieu du plat de verre à l’endroit où on l’a coulé. Les Vitriers & ouvriers en verre blanc, ont des moulins ou mouloirs pour ôter les boudines, ou du moins pour les diminuer beaucoup.

BOUDINIER. s. m. Celui qui fait ou qui vend des boudins. C’est une des qualités que prennent les Maîtres Charcutiers de la ville & fauxbourgs de Paris.

BOUDINIÈRE. s. f. Petit entonnoir de fer blanc qui sert à faire du boudin. Infundibulum farciendo botulo comparatum.

BOUDINURE. s. f. Terme de Marine. C’est une enveloppe de cordage qu’on met autour de l’arganeau de l’ancre pour conserver le cable.

BOUDOIR. s. m. Petit réduit, cabinet fort étroit, auprès de la chambre qu’on habite, ainsi nommé apparemment, parce qu’on a coutume de s’y retirer, pour être seul, pour bouder sans témoin, lorsqu’on est de mauvaise humeur.

Tantôt sombre & rêveuse, & comme en ton boudoir.
Tu renfonçois ton gris, & me montrais ton noir.
Du Cerceau.

☞ BOUDRI, ou BAULDRY. Petite ville de Suisse, dans la Principauté de Neufchâtel, Capitale d’une grande Châtellenie.

BOUE. s. f. Crotte, ordure, terre détrempée avec de l’eau. Lutum, cœnum. On ne sauroit marcher en hiver dans Paris, qu’on ne soit tout couvert de boue. Les pourceaux se vautrent dans la boue. Le Soleil fond la cire, & sèche la boue. On taxe les bourgeois pour les boues & les lanternes.

Ménage dérive ce mot du flamand brou, qui signifie la même chose.

Boue, signifie figurément, bassesse, état misérable. La fortune met aujourd’hui des personnes sur le trône, & demain dans la boue. Ce Prince a tiré ce favori de la boue.

Un jour je vous verrai sur la mouvante roue,
Tantôt au firmament, & tantôt dans la boue.
Vill.