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BOU

On dit, une ame de boue ; pour dire, une ame vile, basse, mercenaire, rampante. Tu vas couvrir de boue les beaux titres de ta Maison, (Main.) pour dire, tu vas déshonorer les titres de ta Maison.

On dit proverbialement, qu’une maison n’est que de boue & de crachat ; pour dire, qu’elle n’est pas bâtie solidement. On dit aussi que le Soleil ne salit point ses rayons, quoiqu’ils tombent dans la boue. En parlant d’une chose qu’on méprise, on dit proverbialement & bassement, qu’on n’en fait non plus d’état que de la boue de ses souliers.

Boue, se dit encore du pus ou humeur corrompue qui sort d’une plaie, d’un abcès, d’un apostème. Pus, sanies. Il sort beaucoup de boue de cet abcès. En Maréchallerie on dit que la boue souffle au poil, pour dire, que le pus paroît vers la couronne dans un cheval blessé au pied.

Boue, dans la Philosophie hermétique, est le nom qu’on donne à la matière quand elle ressemble à de la poix fondue.

Boue. s. f Cella infima. C’est le nom qu’on donne en Artois & en Flandre à une seconde cave qui est au-dessous de la première, & où l’on met la bière pour la mieux conserver : les caves ordinaires ne sont pas assez profondes ; elle s’y gâte pendant l’été.

BOVE de terre. Bovata terræ. On appeloit autrefois bove de terre, un espace de terre tel que deux bœufs peuvent le labourer en un jour. Ce mot vient de [bos, bovis].

BOUÉE, s. f. Terme de Marine. C’est un morceau de bois, ou de Liège, ou même un baril, qui flotte sur l’eau, attaché à quelque pieu ou rocher. On s’en sert ordinairement pour indiquer l’endroit où l’ancre est mouillée. Le cordage avec lequel il est attaché s’appelle boirin. Quelquefois ce mot se prend pour balise, & alors la bouée sert à marquer les passages dangereux, afin qu’on les évite. On l’appelle aussi quelquefois bonneau, aloigne.

BOUEMENT, Voyez Abouement.

BOUER. v. a. Terme de monnoyage, qui se dit de la huitième façon qu’on donnoit aux monnoies qu’on fabriquoit au marteau appelé bouard. Fluidam æquabilitatem monetariis inducere. On frappoit sur un bloc le flan entassé, lequel s’affaissoit tout-à-coup, & faisoit joindre, coupler, & toucher d’assiette les deniers de monnoyage, afin de les faire couler plus aisément au compte & à la main. l’Ordonnance enjoint de répéter cette façon deux fois, & de recuire & réchauffer les flans à chacune de ces façons, & de bouer une troisième fois sans recuire ; après quoi l’ouvrier met les flans entre les mains du Maître pour les blanchir.

BOUEUR. s. m. ☞ Charretier payé pour enlever les boues des rues dans un tombereau. Purgandæ luto urbis curator. Les Boueurs sont tenus de nettoyer les rues tous les jours.

On appelle aussi Boueur un certain Officier sur les ports de Paris, qui a soin de nettoyer le port, & d’en faire enlever toutes les ordures.

BOUEUX, EUSE. adj. qui est plein de boue, de fange. Lutosus, cœnosus. Les lieux bas sont sujets à être boueux.

☞ On dit d’une Estampe qu’elle est boueuse, lorsque le cuivre n’ayant pas été bien essuyé, on a laissé du noir entre les hachures.

☞ En termes de Marine, ancre boueuse, c’est la plus petite des ancres d’un vaisseau.

BOUFAGE. adj. Vieux mot. Qui mange trop, du grec Βούφαγος. On dit aussi bouffard.

BOUFFANT, ANTE. adj. Qui bouffe, qui paroît gonflé ; ce qui se dit sur-tout des étoffes. Une étoffe bouffante, une garniture bouffante, qui a assez de consistance pour ne se pas aplatir, qui se soutient d’elle-même.

BOUFFE, s. f. Enflures de joues. Bucca. Terme populaire. Donner sur la bouffe. On appelle proprement bouffe, la partie intérieure de la joue, qu’on enfle de vent quand on veut, la petite éminence formée par la rencontre des deux lèvres. On disoit autrefois buffe, pour dire, un soufflet & buffeter, pour dire, souffleter ; mot qui vient de l’italien buffa, qui signifie cette partie du casque par où on respire. Du Cange.

BOUFFÉE, s. f. Petite agitation de l’air, & passagère, qui semble venir du souffle de bouche, tel que les Peintres & les Poëtes le dépeignent sortant des joues enflées d’un vent. Ventiflatus. On le dit aussi du feu, de la fumée, & des maladies qui ne durent pas. C’est en général l’action subite & passagère d’une chose. Une bouffée de fièvre, un accès de fièvre qui n’a point de suite. En parlant d’un homme qui ne s’adonne aux choses que par boutade & par intervalle, on dit figurément, qu’il ne s’y adonne que par bouffées. On dit dans le même sens, bouffées d’humeurs, bouffée de dévotion. Je ne puis jamais oublier cette bouffée de Philosophie que vous me vîntes souffler ici la veille de votre départ. Mad.de Sév. Tout cela est du style familier.

Bouffée, se dit aussi des personnes, mais en mauvaise part. Halitus. Il signifie un souffle qui sort de la bouche de quelqu’un. Il sort de la bouche de ces ivrognes de vilaines bouffées.

BOUFFEMENT. s. m. Vieux mot. Souffle. Halitus.

Encore à peine on peut, quand s’évertuent, (les vents.)
Y résister, qu’ils ne rompent & ruent
Le monde juz par bouffemens austères. Marot.

BOUFFER. v. a. Enfler les joues exprès & par jeu. Buccas inflare. En ce sens il n’a guère d’usage.

Bouffer de colère, se dit familièrement de celui qui témoigne sa colère par la mine qu’il fait. Cet homme bouffe de colère. Iram vultu prodere, testari, iram præ se ferre, gerere.

Bouffer, se dit plus ordinairement, pour marquer l’effet que font certaines étoffes qui se soutiennent d’elles-mêmes, qui se courbent en rond au lieu de s’aplatir. Tumere. Ce ruban bouffe. Les étoffes neuves bouffent.

Les Bouchers qui soufflent la viande, nomment cette action bouffer, auquel sens il est actif. Inflare. Bouffer un bœuf. Bouffer un veau. Bouffer un mouton. Bouffer un agneau. Le peuple le dit aussi en quelques Provinces pour souffler, en quelques matières que ce soit ; bouffer le feu, bouffer la chandelle ; mais c’est très-mal parler.

Bouffer, v. a. Vieux mot. Chasser. Villon, en parlant des personnes mortes, a dit,

De cette vie sont bouffés.

BOUFFETTE. s. f ☞ Ce mot signifie une petite touffe. On le dit particulièrement d’une houpe qui pend sur le nez & à côté de la bride d’un cheval de harnois. Floccus, flocculus.

BOUFFÈTE. Terme de Marine. C’est le nom qu’on donne à la troisième voile du grand mât des galères.

☞ BOUFFIR. v. a. Synonyme d’enfler, avec cette différence qu’enfler a un sens plus étendu, & s’applique à plusieurs choses ; au lieu que bouffir ne se dit au propre que des chairs, pour marquer l’enflure causée par quelque indisposition. Tumefacere. L’hydropisie lui a bouffi tout le corps. Cette maladie lui a bouffi le visage, les jambes, les cuisses.

☞ Dans ce sens il est aussi neutre. Le visage lui bouffit tous les jours. Intumescere, tumefieri.

On le dit encore des harengs qu’on fait dessaler, & qu’on laisse bouffir à la cheminée, les faire renfler.

BOUFFI, IE. part. & adj. Tumidus, turgidus, tumens Visage bouffi. Vil. Hareng bouffi. On le dit figurément des choses spirituelles & morales. C’est un esprit bouffi d’orgueil & de colère. Cet Orateur a le style bouffi ; pour dire, enflé, plein de grands mots, & qui frise le galimathias & le phœbus.

BOUFFISSURE, s. f. ☞ Enflure dans les chairs, causée par quelque indisposition, par un empêchement de quelque sérosité… Tumor. Cela me fit examiner avec attention… si, en retenant la respiration, & en se courbant sur le côté opposé, il ne paroissoit point quelque bouffissure au côté malade. Duverney fils, Acad. des Sc. 1703. Mém. p. 173. Les hydropiques