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AFF

de la fortune. Être affranchi de soucis, de soins, d’inquiétudes, d’affaires, d’embarras, & généralement de tout ce qui peut causer de la peine à l’esprit. M. Genest a dit de Luther :

Il déchire l’Église, Il s’acharne contre elle :
Et voulant s’affranchir des droits qu’elle a sur nous,
Il se les attribue & les prodigue à tous.

Affranchir la pompe, se dit en termes de Marine, lorsqu’en faisant jouer la pompe, on tire l’eau plus vîte qu’elle n’entre. Ainsi la pompe est franche, quand il n’y a plus d’eau dans le vaisseau.

AFFRANCHI, IE. part. Manumissus, liberatus.

AFFRANCHISSEMENT. s. m. Manumission, action par laquelle on affranchit un esclave. Manumissio. Voyez Affranchi & Manumission.

Affranchissement, signifie aussi l’exemption qu’un Seigneur accorde à quelqu’un de quelques charges ou impositions réelles ou personnelles. Immunitas. Affranchissement d’une terre. Lettre d’affranchissement.

Affranchissement, se prend aussi figurément pour toute sorte de délivrance. Liberatio. Ces pertes, que la nature préoccupée s’imagine faire par la mort, ne sont, à en bien juger, qu’un affranchissement d’un état, où le bien ne balance point le mal. Abad. Le premier pas que doivent faire ceux qui se consacrent à Jésus-Christ par les vœux de la Religion, est celui d’un affranchissement de toute appréhension de la mort. Ab.de la Tr.

AFFRES. s. f. pl. (l’a est long). Grand effroi causé par la vision de quelque objet terrible. Pavores. Les affres de la mort, Pavores mortis. Il n’est guère en usage que dans cette phrase. Affray, & Affraiment, se trouvent au même sens dans les Loix communes, ou Droit coutumier d’Angleterre. Harr. Ce mot vient de affari, quando quis nec loqui, nec affari potest præ timore. D’autres croient qu’il vient du son & du mouvement naturel qu’on fait dans le frémissement & dans le frisson, qui s’explique par fri & fre : car en effet, ce qui donne de l’horreur & de la peur, donne une espèce de frisson. D’autres le dérivent du mot Grec φρήν & de α privatif, comme qui diroit, insensé & privé de jugement. Quelques-uns dérivent ce mot de Affricosus, comme qui diroit, qui vient d’Afrique, qui est le pays des monstres.

AFFRÉTEMENT. s. m. Terme de Marine. C’est la convention pour le louage d’un vaisseau. Navis conductio. Ce mot se dit sur l’Océan. Sur la Méditerranée on dit Nolissement. L’acte qu’on passe, quand on prend un vaisseau à louage, s’appelle Chartepartie.

AFFRÉTER. v. a. Prendre un vaisseau à louage. Navim conducere. Le propriétaire du navire fréte, ou donne à louage ; & le marchand chargeur affréte, prend à louage.

AFFRÉTEUR. s. m. Celui qui prend le vaisseau à loyer. Navis conductor. Ce mot vient de fretum, détroit de mer.

AFFREUSEMENT. adv. D’une manière affreuse. Terribilem in modum. Quand on est en colère, on regarde affreusement son ennemi. Torve intueri. L’usage de ce mot est assez borné ; & bien des gens voudroient qu’en sa place on dît d’une manière affreuse, ou qu’on se servît de quelqu’autre adverbe, comme de grandement, d’extrêmement, d’horriblement, &c. Il est extrêmement gros, il est horriblement laid, plutôt que, il est affreusement gros, il est affreusement laid. Ce seroit le plus sûr, & c’est en effet le plus ordinaire.

AFFREUX, EUSE. adj. Qui cause des affres, qui est horrible, qui fait peur, qui donne de l’effroi. Terribilis, horribilis, horrendus. Ce mot affreux veut le datif quand il est suivi d’un nom, & l’infinitif, quand il est suivi d’un verbe, en y ajoutant la particule à. La mort est quelque chose d’affreux à tout le monde, & plus encore aux méchans qu’à tous les autres. Tout n’est qu’or & que pourpre dans votre armée, celle des Macédoniens au contraire est affreuse à voir. Vaug. Il se met aussi quelquefois sans régime. L’Afrique a des monstres & des déserts affreux. Les mourans ont des regards affreux. Il a la mine affreuse. Arn. Sa fin fut affreuse. Boss. C’est l’avarice qui a rendu les hommes assez hardis, pour mépriser tout ce que la mort a d’affreux dans un naufrage. Bouh. M. de Caseneuve fait venir ce mot d’Afer Africain, à cause de la noirceur des Africains, qui les rend affreux. Voyez Affres, son primitif.

AFFRIANDER. v. a. Accoutumer à la friandise. Allectare, prolectare. Il ne faut pas donner aux enfans trop de douceurs, cela les affriande. Vous m’affriandez à votre bonne chère. Vaug.

On dit en Fauconnerie, affriander l’oiseau, lorsqu’avec de bon pât, soit de pigeonneaux, ou de poulets, on le fait revenir sur le leurre.

Affriander, signifie au figuré, attirer par quelque chose d’utile. Allicere, illicere. Le gain affriande les Joueurs. Il n’est que du style simple & familier.

AFFRIANDÉ, ÉE. part.

☞ AFFRIOLER. v. a. C’est au propre attirer par quelque chose d’agréable au goût. On affriole les oiseaux qu’on veut prendre. On est affriolé par la bonne chère.

☞ Au figuré, c’est attirer par quelque chose d’utile. On affriole les jeunes filles par les fleurettes, par les présens, &c. Dans l’une & l’autre acception il est du style très-familier.

AFFRIOLÉ, ÉE. part.

AFFRITER. v. a. Terme de Cuisine, mettre une poêle en état de frire comme il faut. Tout tient à une poêle neuve qui n’est point encore affritée. On affrite avec des pois, des féves, & autres choses qui ne tiennent pas à la poêle.

AFFRODILLE. s. f. ou ASPHODELE. Plante. Asphodelus, hasta regia. Cette plante a une tige droite comme une pique, ou hache royale, Voyez Asphodelle.

AFFRONT. s. m. Injure qu’on fait à quelqu’un par paroles ou par voies de fait. Injuria, contumelia. Les affronts à l’honneur ne se réparent point. Corn. Il n’y a que le Christianisme qui puisse nous faire souffrir patiemment un affront. Un démenti est un sanglant affront. ☞ Sénéque dit que la douleur qu’on ressent d’un affront, est la marque d’un cœur foible & bas. S. Evr.

☞ On dit essuyer un affront, le recevoir. Boire, avaler un affront, le souffrir patiemment. Sorbere, contumeliam, ac concoquere. Ne pouvoir digérer un affront, c’est en garder le ressentiment. Comment pourriez-vous digérer un si cruel affront ?

☞ L’affront, dit M. l’Abbé Girard, est un trait de reproche ou de mépris lancé en face de témoins : il pique & mortifie ceux qui sont sensibles à l’honneur. L’insulte est une attaque faite avec insolence ; on la repousse ordinairement avec vivacité. L’outrage ajoute à l’insulte un excès de violence qui irrite. L’avanie est un traitement humiliant qui expose au mépris & à la moquerie du public.

Ce mot vient de l’Italien affronto. Ménage. Pasquier a observé que ce mot n’étoit pas ancien de son temps.

Affront, se dit aussi de la honte que nous recevons nous-mêmes par notre faute ou par celle de ceux qui nous touchent. Un Général d’Armée reçoit un affront, quand il lève le siège de devant une place. Un criminel qu’on exécute, fait un affront à toute sa famille. Sa mémoire lui fait affront.

AFFRONTAILLES. s. f. pl. Terme de Coutume. Les confins de plusieurs fonds aboutissans aux côtés d’un autre fonds.

☞ AFFRONTER. v. a. Dans le sens propre, faire front en attaquant hardiment, attaquer avec hardiesse, avec intrépidité. Hostem adoriri fortiter. Nous allâmes affronter l’ennemi jusque dans son camp. Alexandre alloit affronter l’ennemi en plein jour & à découvert.

☞ Au figuré, affronter la mort, affronter les hasards, les dangers, c’est s’exposer hardiment à la mort, aux hasards, aux dangers. Adire pericula. Où est le Soldat qui n’affronte pas le danger en présence de son Prince ? Abl.

Vous allez de la mort affronter la présence. Rac.

☞ AFFRONTER, dans un sens odieux, signifie aussi tromper, sous prétexte de bonne foi. Fraudare, defrau-