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AGN

des laitues sauvages, à l’entrée de la nuit. Anciennement le clergé de la cathédrale de Marseille observoit la coutume toutes les années, de manger un agneau rôti le jour de Pâque, en mémoire de la solennité de la fête de la résurrection de N. S. J. C. Cette cérémonie se pratiquoit après avoir chanté Tierce ; & pendant le repas, le lecteur lisoit le premier Livre des Morales, & le dernier de la Cité de Dieu de S. Augustin, qui traitent de la résurrection de nos corps. Il m’a été impossible de savoir en quel temps cette coutume fut supprimée. Les Arméniens en pratiquoient encore une presque semblable l’an 1560 ; car le jour de Pâque ils pendoient au milieu de leur église un agneau rôti, dont l’Evêque revêtu de ses habits pontificaux, le clergé & le peuple, mangeoient chacun un morceau ; mais peu-à-près elle fut abolie par un de leurs Evêques, qui avoit été religieux dans l’ordre de S. Dominique. De Ruffi. Hist. de Mars. Autrefois on bénissoit le jour de Pâque pendant la Messe l’Agneau Pascal que l’on devoit manger, comme il paroît par la vie de S. Uldric, Evêque d’Ausbourg. On ne fait plus cette cérémonie pendant la Messe dans les communautés anciennes où elle se pratique encore, comme dans l’Abbaye de S. Victor à Paris, où on le bénit dans le réfectoire, & on le mange à dîner.

La diminution du nombre des bêtes à laine a souvent obligé de défendre l’usage de la chair des agneaux. Charles IX le défendit en 1563, & Henri III en 1577. De la Mar. Le Roi le défendit aussi en 1714. Ce mot vient de anniculus, car il perd son nom, dès qu’il a passé l’année ; ou d’ἀρνός en Grec, qui signifie la même chose.

Varron dit que les agneaux sevrés sont sujets à mourir de chagrin. Cùm depulsi sunt agni à matribus, adhibenda est cura ne desiderio senescant. C’est pour cela qu’à un homme qui se consumoit à la Cour sans avancer, on donna pour devise un agneau, avec ce mot, Desiderio senescit

Agneau, se dit figurément de l’homme d’une humeur très-douce, même des animaux apprivoisés. Jésus-Christ s’est laissé conduire à la mort comme un agneau. Ce cheval, depuis qu’il est dompté, est un agneau ; il est doux comme un agneau.

Agneau, en termes de Blason, est l’hiéroglyphe de l’homme paisible, simple & débonnaire, qui a le cœur ouvert & franc. Les Séguiers portent d’azur au chevron d’or accompagné en chef de deux étoiles de même, & en pointe d’un agneau d’argent. En termes de Blason on donne le nom d’Agneau Paschal, à celui qui tient une banderole.

Agneau de Scythie. s. m. Agnus Scythicus. En langue barbare, Barometz, Berometz, ou Borometz. Cette plante est fort célébre parmi les Naturalistes. Voici la description qu’en a fait Jules-César Scaliger. Cet arbrisseau de Tartarie croît principalement dans le Zauolhan. Il est haut d’environ trois pieds. Il ressemble à un agneau par les pieds, les onglets, les oreilles & la tête, si on en excepte les cornes, à la place desquelles il a une touffe de poils. Il est couvert d’une peau légère dont les habitans se servent pour faire des bonnets. On prétend que la pulpe intérieure de cette plante ressemble à la chair de l’écrevisse de mer, & qu’il en sort du sang lorsqu’on y fait une incision ; elle est d’un goût extrêmement doux, & sa racine s’étend fort loin dans la terre : ce qui augmente le prodige, c’est qu’elle tire, dit-on, sa nourriture des arbrisseaux qui sont aux environs, mais elle périt lorsqu’ils meurent, ou qu’on vient à les arracher.

Quelques-uns ont cru que cette plante étoit un Zoophyte, c’est-à-dire, une Plante-animale, parce qu’on a remarqué que l’herbe qui est autour de cette plante, périssoit, & l’on a supposé que l’Agneau Plante-animal la broutoit. On a soin de tailler cette plante en mouton, dont les racines servent de pieds ; & comme elle est naturellement chargée d’un certain poil, cela a encore contribué à faire croire que c’étoit un animal. Cependant c’est une simple plante comme les autres, autour de laquelle l’herbe se desséche, parce qu’elle n’en peut souffrir le voisinage. Voy. Baromets.

Agneau de Dieu. C’est le nom d’un Ordre de Chevalerie, qui s’appelle autrement de l’Agnus Dei. Cet Ordre fut institué en Suède par Jean III en 1569, quelque temps après qu’il fut parvenu à la Couronne.

AGNEL, ou AIGNEL, est un vieux mot, qui étoit le nom d’une ancienne monnoie d’or que fit battre Saint Louis, sur laquelle étoit représenté un agneau, ou mouton. Le mouton que l’on peint ordinairement auprès de S. Jean-Baptiste, a donné lieu à quelques-uns de croire que le Roi Jean avoit fait le premier frapper cette monnoie pour honorer son patron ; Froissard assure même que ce fut après la bataille de Poitiers. Voyez Budé, L. V, & Froiss. T. I, ch. 171. L’inscription de cette monnoie étoit, Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. Le Blanc. Cet Auteur marque que cette monnoie étoit d’or fin à 59 ½ au marc sous S. Louis, & Charles le Bel, en 1226 & en 1321. Et il dit dans sa Préface, p. 3, qu’elle pesoit 3 deniers 5 grains trébuchans ; qu’elle valoit 12 sous 6 deniers tournois, qui étoient des sous d’argent, qui pesoient environ autant que l’aignel. Ceux que le Roi Jean fit faire, étoient aussi d’or fin ; mais ils étoient plus pesans environ de 10 à 12 grains que ceux de ses prédécesseurs, puisqu’ils pesoient 3 deniers 16 grains la pièce. Ceux de Charles VI & Charles VII ne pesoient que deux deniers, & n’étoient pas d’or fin. Sous ce dernier Prince les agnels valoient dix sous parisis, ou 12 sous 6 deniers tournois ; ce qu’il faut entendre des sous de ce temps-là, lesquels étoient d’argent fin, & pesoient environ une drachme 7 grains. Ceci se prouve par une ordonnance de Philippe le Bel de l’an 1320, dans laquelle il dit : Agnels que nous faisons forger comme au temps de S. Louis ; & sous ce Roi, cette monnoie étoit d’or fin, & pesoit 3 deniers 5 grains trebuchans. Louis Huttin, dans une de ses ordonnances, dit que S. Louis fit faire le denier d’or appelé l’agnel, & qu’il eut cours pour 10 sous parisis. Parmi les Auteurs qui ont parlé de cette monnoie, les uns la font beaucoup postérieure à S. Louis ; mais leur opinion est condamnée par les deux ordonnances que je viens de citer. Quelques-autres veulent que Louis VIII soit le premier qui la fit faire, & ce sentiment me paroît détruit par un endroit des ordonnances de Philippe le Bel, où il dit : qu’il fera forger monnoie d’or, qui est & qui sera appelée à l’agnel, lequel est du temps de S. Louis notre aïeul.

M. de Peyresc, qui, au rapport de M. du Cange, est un de ceux qui prétendent que les prédécesseurs de S. Louis firent cette monnoie, croit qu’elle fut fabriquée au temps de la guerre des Albigeois, pour payer les troupes de l’armée des croisés, & qu’on la marqua de cet agneau, que nous appelons communément Agnus Dei, à cause qu’il étoit sur les drapeaux des principaux chefs de cette armée ; que depuis ce temps-là le clergé de France, aussi-bien que plusieurs églises, le mirent dans leurs armes. Je ne sais d’où M. de Peyresc a tiré cela. Les ordonnances citées marquent clairement que ce fut S. Louis qui fit faire cette monnoie : ce fut sans doute par un effet de sa piété, qu’il y fit mettre le symbole sous lequel on a accoutumé de représenter le fils de Dieu.

Cette monnoie fut nommée aignel d’or, à cause de la figure d’un mouton, ou d’un aignel, comme on parloit en ce temps-là, qui étoit représentée sur l’un de ses côtés. Le Blanc. En latin agnus un agneau, agnellus, diminutif, un petit agneau. On la nomma ainsi, Denier d’or à l’aignel ; Florin d’or à l’aignel, Moutons d’or à la grande laine ; & Moutons d’or à la petite laine. Id. Nos Auteurs françois appellent aussi Agneaux la monnoie que Jacob donna aux enfans d’Hémor, & que le texte hébreu appelle קשיטה, Gen. XXXIII, 19. Nous apprenons encore du même Livre de la Genèse, que Jacob paya cent agneaux aux enfans d’Hémor pour le champ qu’il avoit acheté d’eux ; c’est-à-dire, cent pièces de monnoie, sur lesquelles un agneau ou un mouton étoit gravé ; ce qui est justifié par les Actes des Apôtres, Ch. VII, v 16, où il est marqué que Jacob avoit acheté à prix d’argent. Cette circonstance marque que ces agneaux étoient