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AIM

chose à de l’aimant, la frotter d’aimant, la faire passer sur une pierre d’aimant Magnete perfricare. Le fer & l’acier ne s’aimantent pas seulement en les faisant toucher à une pierre d’aimant ; les fameuses croix des clochers d’Aix & de Chartres ont assez appris qu’exposé à l’air pendant une longue suite d’années, le fer semble se convertir en un véritable aimant. Une barre de fer posée verticalement a bientôt deux pôles comme l’aimant. On peut en faire l’expérience avec des pincettes de cheminée, pourvu qu’on ait l’attention de ne les pas renverser. M. Rohaut rapporte qu’ayant fait rougir un morceau d’acier long & délié, & l’ayant ensuite trempé en le tenant perpendiculaire à l’horizon, il a trouvé à chacun de ses bouts la vertu d’un des pôles de l’aimant, jointe à celle d’attirer assez bien la limaille de fer. Il y a une façon dont le fer & l’acier s’aimantent, beaucoup plus sure & plus commune que la précédente, & cependant plus connue des ouvriers en fer que des Physiciens. Dans les boutiques de Serruriers, des Couteliers, de Taillandiers, on ne voit qu’outils aimantés. Presque tous ceux dont ces ouvriers se servent pour couper ou percer le fer à froid, comme ciseaux, forêts, poinçons, se chargent de limaille de fer dès qu’on les en approche ; il y en a même qui enlèvent aussi-bien de petits cloux, qu’ils le feroient, si on les avoit fait toucher par un aimant médiocre. Les limes mêmes se trouvent souvent aimantées : en un mot, cela est propre à tous les outils qui entament le fer. Les expériences montrent que ce n’est point la trempe qui leur donne cette propriété. Les outils qui viennent d’être trempés ne l’ont nullement ; mais il ne faut qu’un instant pour la leur donner. Qu’on prenne un ciseau, ou un poinçon au sortir de la trempe ; qu’on pose le taillant de l’un ou la pointe de l’autre sur un morceau de fer, n’importe sous quelle inclinaison, & qu’on donne ensuite un coup de marteau sur l’autre bout de l’outil, en voilà assez, on a aimanté sa pointe ou son taillant. Il a suffi à l’outil de couper le fer, pour prendre la vertu de l’attirer. Après le premier coup de marteau, cette vertu est encore foible ; on l’augmente si l’on recommence à appliquer & à frapper de même cet outil. Et cette opération simple, répétée un nombre de fois, ajoutera toujours à la nouvelle force attractive : mais il y a un terme par-delà lequel on répéteroit inutilement l’opération. La vertu de l’outil n’y gagneroit plus rien. Un morceau de fenton de fer de Berry, c’est-à-dire, de fer très-doux, serré dans un étau, à quatre ou cinq pouces d’un de ses bouts, plié & replié plusieurs fois dans le même endroit, se casse. Aussitôt on présente la cassure de chaque bout à de la limaille de fer, elle s’en couvre entièrement ; elle en attireroit moins, si elle n’eût touché qu’un aimant foible. Toutes choses d’ailleurs égales, plus le fer qu’on a cassé est doux, plus il est fibreux, plus il s’est laissé tourmenter avant que de se casser, plus vigoureusement se trouve-t-il aimanté dans ses cassures. Le fer à lames, le fer cassant s’aimante plus foiblement ; mais l’acier trempé s’aimante encore moins. Pour l’acier non trempé, l’acier recuit, il s’aimante plus ou moins, selon qu’il est plus ou moins doux. En général on ne trouve point de fer dont la cassure n’attire au moins quelques grains de limaille, si on l’essaie dans l’instant qu’elle vient d’être faite. Voyez M. De Reaumur. Acad. des S. 1724. Mém. p. 181 & suiv.

AIMANTÉ, ÉE. part. L’aiguille aimantée est l’aiguille de la boussole. Magnete perfrictus.

AIMANTIN, INE. adj. Qui a la propriété de l’aimant, ou une nature semblable. Vi magneticâ præditus. Plusieurs Philosophes attribuent à la terre une vertu aimantine, qui lui fait attirer les corps graves. Ce mot n’est pas d’usage. On dit magnétique.

☞ AIMAR. s. m. Ademarus. Nom propre, le même que celui d’Ademar, ou Adimar, dont il s’est formé par le retranchement du d, Ademar, Aemar, Aimar. Ademar, ou Aimar de Chabanois, Moine de S. Cibar d’Angoulême, au XIIe siècle écrivit une chronique qui commence à l’an de Jésus-Christ 829, & finit en 1029. Ademar, ou Aimar, Cardinal de S. Anastase au XIVe siècle.

☞ AIMARGUES. Armaniæ. Petite ville de Languedoc, dans le diocèse de Nismes. Elle est dans les marais. Elle étoit assez forte quand les PP. Réformés s’en rendirent maîtres.

AIMER. v. a. En général c’est avoir de l’affection pour un objet quel qu’il soit, dans la pensée que c’est un bien. Amare. Un ancien a dit qu’il faut aimer ses amis, comme devant les haïr un jour ; & haïr ses ennemis, comme devant les aimer un jour. Cet ancien est Isocrates, & il n’est pas le seul qui ait été dans ce sentiment : sa maxime peut avoir un bon sens, mais absolument parlant, elle est fausse, & même pernicieuse, & contre les loix de la Religion & de la raison. Voyez ce qu’en ont dit Cicéron & M. de Sacy, dans leurs traités de l’amitié. Il faut aimer Dieu de tout son cœur, & son prochain comme soi même. ☞ On le dit dans ce sens pour marquer l’attachement qu’on a pour les animaux & pour certaines choses qui font plaisir. On aime les chevaux, les chiens, les oiseaux. La Religion fait aimer l’austérité aux personnes pieuses. S. Evr. Les uns aiment le bien ; les autres la gloire. Les uns aiment l’étude ; les autres les plaisirs, le vin, la débauche, le jeu.

Aimer, absolument, se dit plus particulièrement de l’inclination qu’on a pour une maîtresse, & de cette forte & tendre affection, qu’un sexe a pour l’autre. Le mariage n’apprend point à aimer, il veut seulement qu’on se laisse aimer. Qui aime en plus d’un lieu, ne sauroit bien aimer. Despor. Aimer ou n’aimer pas, n’est pas de notre choix. M. de la Suze. Il est dangereux d’aimer.

Quand aimer signifie prendre plaisir à quelque chose, il veut le verbe qu’il régit à l’infinitif avec la particule à. On n’aime point à louer, & on ne loue jamais sans intérêt. Rochef. Le mensonge est tellement reconnu pour un vice, que ceux qui aiment le plus à mentir, le condamnent. Peliss. Le lecteur aime à être traité en habile homme, & non pas en ignorant, qui ne peut rien suppléer de lui-même. Perr.

Aimer, signifie aussi quelquefois, savoir gré à quelqu’un d’une chose, lui en être obligé. Mol. Je vous aime de ce que vous avez répondu à Octavius. Aimez qu’on vous conseille, & non pas qu’on vous loue. Boil.

Aimer, se dit aussi avec le pronom personnel, & alors il signifie, se plaire, Delectari aliquâre. Il s’aime bien à la cour, à la guerre, à l’étude. Les éléphans ne s’aiment pas dans les pays froids. Les saules, les aunes s’aiment dans les lieux humides. C’est-à-dire, y profitent, y réussissent mieux qu’ailleurs. On dit aussi qu’une personne s’aime bien, quand elle a un soin extraordinaire de sa personne, ou quand elle a trop d’amour propre. Sibi placere.

 
Très-souvent un esprit qui se flatte, & qui s’aime,
Méconnoît son génie, & s’ignore soi-même. Boil.

Aimer mieux. Malle. Quand ces mots sont suivis d’un infinitif, cet infinitif veut être suivi des particules que & de qui en régissent un autre. Ils aimerent mieux le prendre vif, que de le tuer. Vaug. Il aime mieux dire du mal de soi, que de n’en point parler. Rochef.

Aimer mieux, se dit quelquefois des choses dont on préfère les unes aux autres. Il aime mieux une fortune basse & tranquille, qu’une fortune élevée & tumultueuse. Bouh.

Aimer mieux, se dit aussi des personnes, quand il ne s’agit pas d’amitié, mais d’une simple préférence. J’aime mieux un valet mal fait & sage, qu’un valet bien fait & fripon. Id. Mais quand il s’agit d’amitié, & non pas de préférence, il faut dire Aimer plus, & non pas aimer mieux. Ainsi il faut dire, c’est l’homme du monde que j’aime le plus, & non pas, c’est l’homme du monde que j’aime le mieux. Id. Voyez Plus et Mieux.

Aimer, se dit proverbialement en ces phrases : qui aime Bertrand, aime son chien, ou qui m’aime, aime mon chien ; pour dire, que quand on aime quelqu’un, on aime tout ce qui lui appartient. On dit à la guerre, ou en quelqu’entreprise périlleuse, qui m’aime, me