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AMB

de l’arabe ambar. Ménage, ou anbar, comme écrit d’Herbelot. On trouve ambar, & ambarum, dans la basse latinité. Voyez Bollandus, T. II, p. 290. Joannes de Janua le dérive d’ambrosia sans aucun fondement. On l’a aussi appelé Harpaga, du grec ἁρπάζω, rapio ; eò quod folia & vestium fimbrias & paleas rapiat.

On dit proverbialement de ceux aux habits desquels quelques pailles se sont attachées, parce qu’ils se sont assis en quelque endroit où il y en avoit, qu’ils ont le cul d’ambre, qu’il attire la paille.

Voyez sur l’ambre Hevelius Polonois, Schefferus Professeur Suédois, & Cœlius ; & les Transactions philosophiques. T. II, p. 473, & suiv. Il y a une Histoire de l’ambre en latin par Juste Klobius, Docteur de l’Université de Wittemberg. Mais celui qui a le mieux écrit sur l’ambre, & qui a découvert sa véritable nature, est un Médecin nommé Phil. Jacq. Hartman, dont nous avons deux ouvrages sur cette matière. L’un a pour titre, Succini Prussici Physica & Civilis Historia : il parut en 1677. Et l’autre, qui parut à Berlin en 1699. Succincta succini Prussici Historia & Demonstratio. On l’a inséré dans les Transactions Philosophiques N. 248, p. 5 & T. II p. 473.

Ambre gris. s. m. Ambarum. Ambra grisca. Drogue qui se fond à-peu-près comme la cire, d’une couleur tantôt gris de souris clair, tantôt cendrée, ou blanchâtre, tantôt mêlée de blanc, de gris & de jaune, & quelquefois noirâtre, d’une odeur très-douce, lorsqu’elle est étendue, ou mêlée parmi quelqu’autre drogue odoriférante ; car étant nouvelle, elle répand très-peu d’odeur. Elle se ramasse au bord de la mer dans différentes contrées, mais sur-tout aux Maldives. Il n’y a guère de voyageur qui n’ait parlé de l’ambre, & qui n’ait donné ses conjectures sur cette matière : il semble même que la plûpart aient pris plaisir d’en hasarder de nouvelles, soit afin de passer pour plus habiles observateurs, soit peut-être pour avoir le plaisir de contredire ceux qui en avoient écrit avant eux. On pourroit faire un juste volume, si on vouloit ramasser tous les différens sentimens, & les prétendues observations rapportées dans toutes les relations, & tous les raisonnemens qu’on y fait, souvent aussi peu solides que les observations sont peu sûres.

Les sentimens qui ont le plus prévalu chez les Naturalistes sont 1.o Que c’est l’excrément d’une espèce d’oiseau commun dans certaines îles, comme Madagascar, les Maldives, au rapport de quelques voyageurs ; & que ces excrémens se fondent à la chaleur du soleil, se réduisent en masse & sont entraînés par les vagues de la mer, qui vient flotter sur les rochers où ces excrémens se sont amassés. Ou bien, comme Barbosa rapporte l’avoir appris des Mores habitans des Maldives, où il se trouve beaucoup d’ambre, & de fort gros morceaux, les uns blancs, les autres bruns, & d’autres noirs ; ces excrémens exposés au soleil, à la lune, & au grand air, s’affinent sur ces rochers, d’où la mer les détache quand elle s’enfle. Ils ajoutoient que les baleines en avaloient plusieurs ; que c’étoient les noirs qui prenoient cette teinture dans le corps de ces animaux ; que les bruns sont ceux qui ont le plus long-temps flotté sur la mer ; & les blancs ceux qui n’y avoient pas été long-temps, & qu’ils estimoient davantage. Voyez le Recueil de Ramusio, Tom. I, fol. 313.

II. Certains Voyageurs disent que c’est excrément d’un poisson cetacée, parce qu’on a trouvé de l’ambre auprès de ces excrémens, ou qu’on en a tiré du ventre de ces poissons. Justus Klobius, en son Histoire de l’ambre, dit que ce poisson est une baleine, appelée la Trompe, parce qu’elle a sur la tête une trompe où il y a des dents longues d’un pied, & grosses comme le poing, & que c’est aussi dans sa tête qu’on trouve le sperma ceti. Le sentiment le plus commun est, qu’en effet c’est la baleine qui jette l’ambre. Cependant quelques Orientaux, au rapport de M. d’Herbelot, & en particulier les Persans, disent que c’est l’excrément du veau marin, agité par les flots de la mer, & cuit par l’ardeur du soleil. Quelques Africains, si l’on en croit Marmol, disent aussi que ce n’est pas la baleine qui jette l’ambre, mais un autre poisson nommé Ambracan, au rapport de Lonvillers. Quelques-uns se sont imaginés que l’ambre vient des crocodilles, parce que leur chair est parfumée. Mais on oppose à ces deux premiers sentimens, qu’on n’a point encore trouvé d’excrément qui pût se fondre comme de la cire. D’ailleurs, si c’étoit l’excrément de la baleine, il s’en devroit plus trouver aux plages où ces animaux sont en plus grand nombre, comme en Groenland, Spitsberg, &c. qu’aux endroits où ils ne vont point ; ce qui n’arrive pourtant pas, n’y ayant point de lieu où il se voie plus d’ambre gris qu’aux Maldives, à Soffala, à Melinde, à Sarsume, au cap de Comorin, & en quelques autres lieux des Indes, où il n’y a point de baleines.

Le IIIe sentiment dit, que c’est une espèce de cire qui tombe des arbres, ou des rochers dans la mer, qui s’y déguise & devient ambre ; ou bien que ce sont des rayons de miel, qui étant recuits, avec le temps, se détachent des rochers, & tombent dans la mer, dont le sel & les flots agités achevent la digestion, & lui donnent la consistance où on le trouve. Ce sentiment est fondé sur ce qu’on a rencontré dans des pièces d’ambre des rayons de ruches, dont les alvéoles étoient encore remplis de miel & de mouches. Mais comment les flots de la mer agiront-ils, pour convertir une matière qui n’a aucune odeur, en une approchante de l’ambre ? Comment pourront-ils la faire changer, de manière qu’elle puisse pousser une odeur particulière, comme est celle de l’ambre ?

IVe sentiment. Plusieurs Orientaux, ainsi que le rapporte M. d’Herbelot, croient qu’il sort du fond de la mer, comme la Naphte sort de certaines fontaines. Ils ajoutent que ces sources d’ambre gris ne se trouvent que dans la mer d’Oman, entre le golfe Arabique, & le golfe Persique. Edrissi, qui est de ce sentiment, écrit dans le premier climat de sa Géographie, que l’on a trouvé des morceaux d’ambre gris sur les côtes de cette mer qui pesoient plus d’un quintal. Quelques-uns veulent que ce soit une espèce de champignon marin que la tempête arrache du fond de la mer, & qu’elle pousse au rivage ; car l’ambre gris ne s’y trouve qu’après une grande agitation des flots ; & c’est un présent que la mer ne fait aux hommes que dans sa colère. Bouh. Le rapport de cette matière à une plante n’est pas juste. Ve. Quelques-uns disent que c’est le sperme de la baleine. VIe. D’autres disent que c’est une écume de mer. VIIe. Quelques autres que ce sont des pièces d’îles, & des fragmens de rochers cachés en mer.

VIIIe. Isaac Vigny croit que c’est une viscosité maritime qui devient ambre étant séchée au soleil. IXe. D’autres soutiennent que c’est une terre spongieuse que l’agitation de la mer tire de dessus les rochers, & qui, comme elle est légère, surnage sur la superficie de l’eau. Paludanus & Linschoot prétendent que c’est une sorte de poix qui se détache insensiblement du fond de la mer, & se durcit aux rayons du soleil, de même que l’ambre jaune & le corail ; & l’Auteur des Ambassades de la Compagnie Hollandoise des Indes, croit que c’est l’opinion qui approche le plus de la vérité.

Xe. Enfin, le dernier sentiment enseigne que c’est une matière bitumineuse, & c’est le plus vraisemblable ; car, que ce bitume soit liquide, & qu’il coule dans la mer, ou qu’il tombe en masse, peu importe. Comme il est souvent en morceaux composés de plusieurs couches appliquées les unes sur les autres ; qu’il renferme des pierres, ou autres corps, & que les couches sont quelquefois remplies de quelques coquillages qui paroissent être d’une espèce de concha anatifera, ce qu’on a pris faussement pour des becs de perroquets ; on doit soupçonner qu’il a été liquide, ou qu’au moins il a dû se fondre, & couler sur ces corps à différentes reprises, embarrasser même avec eux des coquillages. On a apporté des Indes en Europe de fort gros morceaux d’ambre. Les Hollandois en ont long-temps conservé une des plus considérables pièces qu’on ait jamais vues.

Quelques Auteurs tiennent qu’il y a un poisson nommé azel, qui est fort friand de l’ambre gris ; desorte