Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
AME

force de superlatif, selon le génie de la langue hébraïque & de ses filles, la syriaque, & la chaldaïque ; desorte que amen amen dico vobis, signifie très-certainement, je vous dis. Les Evangélistes ont conservé dans le grec le mot hébreu ἀμὴν, amen. S. Luc l’exprime néanmoins quelquefois par ἀληθῶς, véritablement, ou ναὶ, certainement ; comme on le peut voir en comparant Matth. XVI, 28 avec Luc. IX, 27. Matth. XXIV, 47 avec Luc XII, 44. Marc XII, 43 avec Luc XXI, 3. Matt. XXIII, 36 avec Luc XI, 51. Ce qui prouve l’explication que nous venons d’en donner. Il paroît encore par ce que nous venons de dire, que Rochefort se trompe, quand il dit qu’amen est un terme arabe, qui signifie, la fin de quelque chose ; & que c’est ce que les Latins ont exprimé par ces mots, Explicit, finis.

On voit les différentes significations du mot amen dans ces vers, rapportés par M. Du Cange.

Verum, verè, fiat, amen tria denotat ista,
Si verum nomen, adverbium sit tibi verè.
Amen, amen, verè duo sunt adverbia verè.
Amen pro, fiat, tibi verbum deficiens est.

Ce mot Amen a passé dans presque toutes les langues sans aucun changement, quand il veut dire, Ainsi soit-il. On le trouve dans les Liturgies, les versions de la Bible, & les prières de toutes les nations. Il n’en est pas de même quand il veut dire Certainement, en vérité. Les Abissins appellent Amen, le Sacrement de l’Eucharistie ; apparemment parce que, selon un ancien usage, dont nous trouvons des vestiges dans les Peres, lorsqu’on leur donne l’Eucharistie, ils répondent amen. En cette occasion, amen est employé pour affirmer que l’on croit qu’une chose est ainsi. Il est dit dans le Missel de Paris, que le communiant, après avoir entendu ces mots, Corpus Domini, doit répondre amen, pour marquer un acte de foi : & en ce sens, il signifie, cela est vrai, je crois que cela est ainsi. S. Ambroise l’a entendu dans ce sens. Les Mahométans disent aussi, amin, à la fin de leurs prières, de même qu’en témoignant le désir de voir arriver ce qu’ils souhaitent.

Quand on nous interrompt, quand on prévient ce que nous allions dire, ou qu’on nous fait une difficulté que nous allions prévenir, on dit, vous n’attendez pas jusqu’à amen ; ou bien, attendez jusqu’à amen, c’est à-dire, jusqu’à la fin, jusqu’au bout, & je vous satisferai, je dirai ce que vous demandez.

Amen, se dit pour une marque de consentement, d’acquiescement, d’approbation. M. de Turenne a bien envie de revenir, & de mettre l’armée dans les quartiers d’hiver ; tous les officiers disent amen. Mad. Sév.

On dit proverbialement, il dit amen à tout ; pour dire, il approuve tout. Tout cela n’est que du style familier.

AMENAGE. s. m. Terme populaire qui signifie tantôt l’action d’amener, & tantôt le salaire que l’on donne à celui qui a eu la peine d’amener. Advectio, Subvectio. L’amenage des marchandises ne se peut faire par charroi dans les pays de montagnes. J’ai tant payé pour l’amenage de chaque muid de vin par terre, & tant par bateau.

☞ AMENAGEMENT. s. m. Terme d’exploitation & de commerce de bois. C’est l’action de le débiter pour différens usages.

AMÉNAGER. v. a. Terme d’exploitation & de commerce de bois. Aménager un arbre, c’est le débiter soit en bois de charpente, soit en bois destinés à d’autres usages.

AMENCE. s. f. Vieux mot, qui veut dire, folie. Amentia. Il vient de ce mot latin.

AMENDABLE. adj. m. & f. Qui mérite d’être condamné à l’amende. Mulctandus. Cette Communauté est amendable. On dit aussi parmi les Artisans, qu’un ouvrage est amendable, quand on en peut corriger sa défectuosité. Il ne se fait point de confiscation des ouvrages amendables ; on ordonne seulement qu’ils seront amendés.

AMENDE. s. f. Peine pécuniaire imposée par les Juges, pour quelque crime, quelqu’infraction de la loi, ou mauvaise procédure. Mulcta. L’amende ordinaire du fol appel est de 12 livres : celle des appels comme d’abus & en plusieurs autres cas, est de 25 écus. Il faut consigner une amende de cent écus envers le Roi, & de 50 écus pour la partie, avant que d’obtenir une requête civile. Par l’ordonnance de 1667, une omission de compte par un comptable, emporte une amende ou peine du quadruple. Cela est défendu sous peine d’amende. L’amende du fol appel est l’amende à laquelle est condamné l’appelant, quand la sentence dont est appel est confirmée. Celui qui est simplement condamné à une amende pécuniaire, n’encourt point infamie. Les amendes imposées au criminel, pour tenir lieu de dédommagement à la partie civile, sont appelées des réparations civiles. Une amende pécuniaire est payable par corps. Entre les droits seigneuriaux il y a des cens emportant profit, saisines, & amendes. Il y a des receveurs des amendes. Ce mot vient du latin emendatio.

Dans tous les temps, & chez toutes les nations, l’amende a été une peine que l’on a mise en usage. Chez les Cyréniens, les Juges prononçoient des amendes, & déclaroient infâmes ceux qui y étoient condamnés. Les Grecs obligeoient les parties à déposer une somme dans le Prytanée, afin que celui qui seroit condamné, perdît la somme déposée. Les Romains observoient la même chose, & la consignation se faisoit entre les mains des Pontifes. Les Empereurs Gratien, Valentinien & Théodose, introduisirent les amendes contre les folles appellations. En France nos Rois ont fait publier dans tous les temps des ordonnances sur les amendes. L’amende pour récusations déclarées inadmissibles est de deux cens livres aux Cours supérieures : de cent livres aux Requêtes de l’Hôtel & du Palais ; de cinquante livres aux Présidiaux, Bailliages & Sénéchaussées, & de trente-cinq livres aux Châtellenies, Prévôtés, Vicomtés royales, Elections & Justices des seigneurs, tant duchés-pairies, qu’autres qui ressortissent nuement aux Cours supérieures. Dans les appellations comme d’abus, celui qui est condamné, paye une amende de soixante & quinze livres envers le Roi, & de la moitié envers la partie. Il n’y a que les magistrats qui puissent condamner à l’amende. Les Juges Ecclésiastiques ne peuvent condamner à l’amende, sans prononcer qu’elle sera employée à quelque œuvre pie. On ne remet point l’amende à cause de la pauvreté, mais on accorde une surséance.

On appelle Amende-honorable, une peine afflictive qui emporte note d’infamie, quand on est condamné d’aller nu en chemise, la torche au poing, & la corde au cou, devant une église, ou dans un auditoire, demander pardon à Dieu, au Roi & à Justice, de quelque méchante action. Mulcta honoraria. On dit au Palais, que cette amende est faite cum figuris. Les Romains ont compris quelquefois le bannissement sous le nom d’amende. Mais ils n’ont point connu ce genre de peine que nous appelons Amende-honorable.

☞ L’Amende-honorable, qu’on appelle Sèche, moindre que la précédente, n’en differe qu’en ce que le coupable est conduit par le Géolier, & qu’il n’a pas la corde au cou.

On appelle encore plus particulièrement, faire amende-honorable à quelqu’un, quand on est condamné à venir en Justice, ou en présence des personnes choisies par la personne offensée, désavouer les injures qu’on lui a dites, ou les mauvais traitemens qu’on lui a faits, lui en demander pardon, & lui en donner acte.

Amendes coutumières, sont celles qui sont taxées par la loi & par la coutume du pays. Elles sont différentes des amendes arbitraires, qui se taxent par le Juge. L’amende simple, ou de gage, est de sept sous six deniers dans les coutumes. La grosse amende est de 60 sous. L’amende de tôt entrée, est celle qui est dûe au seigneur, en quelques lieux, par celui qui s’est mis en