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ARM

il pouvoit être reconnu entre ses compagnons ; il cite sur cela Pausanias qui le dit en effet ; & c’est là, selon Chorier, l’origine des armes des nobles familles. Il dit ailleurs, que ce seroit le comble de l’ignorance, de croire que les Romains aient entièrement ignoré les armoiries ; mais qu’il n’y en auroit guère moins à soutenir qu’ils en aient eu de propres à chaque famille. Spelman dit que ce sont les Saxons, les Danois & les Normands qui les ont apportées du Nord en Angleterre, & de-là en France. Or il est certain que de temps immémorial, il y a eu parmi les hommes des marques symboliques pour se distinguer dans les armées, & qu’on en a fait des ornemens de boucliers & d’enseignes ; mais ces marques ont été prises indifféremment pour devises, emblèmes, hiéroglyphes, &c, & ce n’étaient point des armoiries comme les nôtres, qui sont des marques héréditaires de la noblesse d’une maison, réglées selon l’art du blason, & accordées, ou approuvées par les Princes. Ainsi avant Marius, l’aigle n’étoit point l’enseigne perpétuelle du Général des Romains : ils portoient indifféremment dans leurs étendards, ou un loup, ou un léopard, ou un aigle, selon le choix de celui qui commandoit. On remarque la même diversité à l’égard des François ; & c’est pourquoi les Auteurs sont partagés lorsqu’ils parlent des armoiries de France. Les uns disent que les François avoient pour armes trois crapauds ; les autres trois croissans ; les autres trois couronnes, & les autres un lion. Comme ces armoiries n’étoient point fixes ni perpétuelles, chaque Auteur a pris pour les armes des François, celles qu’on remarquoit dans les temps qu’il écrivoit. Quelques-uns prétendent que jusqu’à Clovis, les Rois avoient trois crapauds dans leurs armes ; & que ce Prince se fit apporter les fleurs-de-lis par un Hermite ; mais d’autres soutiennent que Louis le Jeune, dans le treizième siècle, est le premier qui ait pris des fleurs de-lis sans nombre ; Charles VI les réduisit à trois. En effet, tous les Auteurs les plus éclairés tiennent que les armoiries des maisons, aussi-bien que les doubles noms des familles, n’ont pas commencé avant l’an 1000. M. le Laboureur prétend que l’usage des armoiries n’est pas plus ancien que les premières croisades des Chrétiens pour l’Orient. L’opinion qui les fait remonter au delà du dixième siècle, a été réfutée par Spelman, André du Chelne, Blondel, les Frères de Sainte-Marthe, de Juftel, l’Espinoy, Chifflet, Bauchet, Du Tillet, & le Père Ménestrier. Ce sont les tournois qui ont fait fixer les armoiries. Henri l’Oiseleur, qui régla les tournois en Allemagne, fut l’occasion de ces marques d’honneur, qui sont plus anciennes chez les Allemands que dans tout le reste de l’Europe. Ce fut alors que commencèrent les cottes d’armes, qui étoient une espèce de livrée composée de diverses bandes de plusieurs couleurs, d’où vinrent la fasce, la bande, le pal, le chevron, la losange, &c. qui ont donné le commencement aux armoiries. Ceux qui ne s’étoient jamais trouvés aux tournois, n’avoient point d’armoiries, quoiqu’ils fussent Gentilshommes. Les Seigneurs qui se croiserent pour aller conquérir la Terre-Sainte, prirent aussi ces marques d’honneur pour se distinguer. Avant ce temps-là, c’est-à-dire, avant le X ou XIe siècle, les armoiries n’étoient point en usage. On ne remarque sur les tombeaux plus anciens que des croix, & des inscriptions gothiques, avec la représentation de la personne. Le tombeau du Pape Clément IV, mort en 1268, est le premier sur lequel on trouve des armoiries. On ne voit non plus des armes sur les sceaux, ou sur les monnoies que depuis le X ou le XIe siècle. La première monnoie de France avec des armoiries est un denier d’or de Philippe de Valois, où il est représenté tenant de la main gauche un écu semé de fleurs-de-lis. Cette pièce d’or battu en 1336, fut nommée écu, à cause de l’écusson des armoiries de France. On trouve bien des figures plus anciennes, ou dans les étendards, ou dans les médailles ; mais ni les Princes, ni les villes n’en ont pas fait des armoiries en forme, & l’on ne trouve aucun Auteur qui fasse mention de l’art du Blason au-dessus de ces siècles-là.

Auffitôt maint esprit fécond en rêveries,
Inventa le blason avec les armoiries :
De ses termes obscurs fit un langage à part, &c.

Boil.

Il n’y avoir originairement que les seuls Nobles qui eussent le droit d’avoir des armoiries ; mais le Roi Charles V, par sa charte de l’an 1371, ayant anobli les Parisiens, il leur permit de porter des armoiries : sur cet exemple, les plus notables Bourgeois des autres villes prirent aussi des armoiries.

Les armoiries n’ont commencé à être pendues dans les églises que vers l’an 1341, dont on voit un témoignage dans l’Histoire de Joinville. D’autres disent que cela ne commença qu’en 1350, par un Evêque d’Utrecht, en faisant les obsèques de son frère. Basilius Poncius, Augustin de Léon en Espagne, a fait une Dissertation en quatre Chapitres, dans laquelle après avoir recherché l’origine des armoiries, & montré qu’il semble qu’il y ait de la vanité à un homme de faire mettre ses armes sur ce qui lui appartient ; il conclut cependant dans le quatrième chapitre, que cela se peut faire sans orgueil.

On dit proverbialement, il n’y a point de plus belles armoiries que celles d’un vilain, il prend ce qu’il veut.

ARMOISE. s. f. Artemisia. Plante appelée par le vulgaire Herbe de la S. Jean. Sa racine est de la grosseur du doigt, branchue, & fibreuse, un peu douce & aromatique au goût. De son collet naissent plusieurs tiges hautes de quatre à cinq pieds, rondes, cannelées, velues, moelleuses, moins grosses que le petit doigt, le plus souvent lavées de pourpre, d’autres fois vertes, & garnies de feuilles, quelquefois pâles ou blanchâtres, assez semblables à celles de l’absinthe ordinaire ; mais leurs segmens sont plus larges dans le bas, & plus longs & plus étroits à leurs extrémités : elles sont outre cela vertes en dessus & blanchâtres en dessous ; ses tiges sont branchues & terminées par des épis de fleurs. Chaque fleur est un amas de petits fleurons de couleur de pourpre, ou blanchâtres, renfermés dans des calices écailleux, arrondis, & d’une ligne de diamètre environ. Ces fleurs ont une odeur foible, aromatique, cependant agréable & approchante de celle de la lavande. Ses semences sont menues comme celle de l’absinthe & succédent aux fleurons. Le peuple croit mal-à-propos qu’on trouve sous la racine de l’armoise un charbon ; qu’il faut l’y chercher la nuit de la veille de S. Jean Baptiste ; & que ce charbon est un souverain remède pour l’épilepsie. L’armoise est recommandée pour les maladies des femmes. On l’emploie en décoction & en syrop. On assure que le moxa des Chinois est un coton qui se ramasse sur une espèce d’armoise de la Chine. On fait brûler ce moxa sur les parties attaquées de la goutte. L’armoise se trouve assez communément par-tout. Elle a pris son nom d’une racine de Carie, appelée Artemisia, d’Artémise femme de Mausole. On croit qu’elle a été la première qui l’a mise en usage. Voyez le Dictionnaire Economique sur les propriétés de l’armoise.

ARMOISIN. s. m. Espèce de taffetas qui vient d’Italie & de Lyon, qui est de moyenne bonté. Le demi-armoisin est le taffetas d’Avignon, qui est de moindre valeur. Il y a de l’armoisin à trois fils. Ce taffetas est ainsi nommé, selon M. Huet, pour ormoisin, parce qu’il vient de l’île d’Ormus. Il s’est fait en Italie & à Lyon. D’autres prétendent que ce mot vient de l’italien armosino, & qu’il a été ainsi nommé, parce qu’on mettoit plusieurs armoiries sur la toilette qui l’enveloppoit.

Armoisin des Indes. C’est un taffetas fabriqué aux Indes Orientales, mais plus foible, & de moindre qualité que les armoisins qui se font en Europe. Les couleurs, sur-tout le cramoisi & le rouge, en sont ordinairement fausses, & ils ont peu de lustre & point du tout de brillant.

ARMON. s. m. Terme de Sellier. C’est une partie du train de devant d’un carrosse. Armus. Il y a deux