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ASS

certain du moins, dit M. de Voltaire, qu’il n’est pas d’usage.

On appelle aussi assassins, les gens qui se louent pour aller tuer quelqu’un qu’ils ne connoissent pas, & pour venger la querelle d’autrui. Sicarius, ære, pecuniâ conductus. Il fit tuer son compétiteur par des assassins. ☞ L’Abbé Velly, Hist. de Fr. T. IV. pag. 194.

Ce mot d’assassin vient du Levant, d’un Prince des Arsacides, ou Assassins, qu’on appeloie le Vieux de la Montagne ; il demeuroit entre Antioche & Damas, dans un château où il élevoit de jeunes gens dans toutes sortes de plaisirs & de délices, leur promettant qu’ils iroient après leur mort dans un lieu semblable, s’ils obéissoient aveuglément à ses commandemens ; après quoi ils alloient hardiment tuer & assassiner les Rois & Princes, les ennemis, sitôt qu’il le leur avoit ordonné. Ces gens s’étendirent depuis partout le Levant. Le Sire de Joinville les appelle Beduins ; mais Volaterran & Paule Emile les appellent Assassins, & Nicole Gilles, Arsacides. Ils étoient tellement dévoués à leur Prince, qu’ils ne manquoient guère d’exécuter les arrêts de mort qu’il avoit prononcés.

Voici ce qu’Elmacin rapporte de leur origine : il la fait remonter jusqu’à l’an 278 de l’hégire, 891 de Jésus-Christ. Un prétendu prophète nommé Carmar, s’éleva en Arabie vers Coufa, & attira un grand nombre de sectateurs, jeûnant, travaillant de ses mains, & faisant la prière cinquante fois par jour. Il promettoit d’établir un Iman, ou Pontife de la famille d’Ali, prêchant la dévotion à ce prétendu Saint. Il déchargea ses sectateurs des plus pénibles observances de la loi, leur permettant de boire du vin, de manger toutes sortes de viandes ; & par cette licence, jointe à l’espérance du butin, il forma une armée immense, & fit de grands ravages sur les terres du Calife. Il mourut en laissant douze disciples, en mémoire des douze Imans descendus d’Ali. Dans la suite, les Carmariens devenus plus foibles se mêlèrent avec les autres Musulmans, & dissimulerent leur religion ; ce qui les fit nommer Batenis, c’est-à-dire, Inconnus. C’est peut-être de ce nom Batenis, que se forma celui de Beduins, que Joinville leur a donné. Quoiqu’il en suit, ils commencèrent à être désignés par ce nom, & à se fortifier en Perse, l’an 483 de l’hégire, 1090 deJésus-Christ. Hacen, leur chef, avant été menacé par le Sultan Gelaloddoulet, commanda à un de ses sujets, en présence de l’Envoyé du Sultan, de se précipiter du haut d’une tour, & à un autre de se tuer, ce qu’ils firent à l’instant. Alors Hacen dit à l’Envoyé : dites à votre Maître que j’ai 70000 hommes prêts à en faire autant. Les Batenis, ainsi cachés & déterminés à tout, commencèrent à attenter sur la vie des Princes, & en tuerent plusieurs sans qu’on pût se garantir de leur trahison. Le Juif Benjamin, dans son Itinéraire, p.32 de l’édition in-12, d’Amsterdam, les place près du mont Liban. Cet Auteur écrivoit vers l’an 1173. Il les appelle en hébreu du nom arabe אל אשי שין, El Asisin. Ce qui montre que ce nom ne vient point d’Arsacide, comme on l’a dit ci-dessus, mais du mot arabe השיש, Asis, qui signifie Insidiator, un homme qui tend des embuches, & qui vient du verbe arabe השש, Asasa, tendre des embuches. Car quoique la première lettre soit un giim, qui répond au g françois, on a pu aisément le changer dans l’usage en hha, dont il a la forme, & dont il approche pour le son. Car le hha n’est qu’un g ou giim, prononcé du gosier & avec une aspiration.

Assassin, se dit aussi au figuré, & dans le style comique, & satyrique, de celui qui tue, qui fait mourir impunément, comme font les Médecins.

Que dit-il, quand il voit avec la mort en trousse,
Courir chez un mabde un assassin en housse ? Boil.

Dans Florence vivait jadis un Médecin,
Savant hâbleur, dit-on, & célèbre assassin. Id.

Croyez-moi, charmante Dorise,

Bannissez tous vos Médecins
Ce ne font que des assassins

Que la crédulité du malade autorise.

ASSASSIN, INE. adj. Se dit encore au figuré, & dans le style comique, de tout ce qui a assez de charmes pour causer de la langueur, & pour faire mourir d’amour. Visage assassin. Voit. Beaux yeux assassins. Scar. Que dit-elle de moi, cette gente assassine ? Mol. Et c’est pour cela qu’en galanterie on appelle aussi assassins, certaines mouches taillées en long, que les femmes coquettes mettent sur leur visage pour paroître plus belles. Assassin, se dit aussi dans le grand style, & en parlant sérieusement ; pour dire, meurtrier.

Ai-je donc oublié que sa barbare main

Fit tomber tous les miens sous un fer assassin ?
Crébill.

ASSASSINANT, ANTE. adj. Ce mot ne peut avoir d’usage que dans le comique, & dans le satyrique. Molestus, gravis, importunus. Il signifie, qui ennuie, qui fatigue. Ce font des complimens assassinans, Des redites assassinantes. SCAR.

ASSASSINAT. s. m. Meurtre qui se fait violemment de guet-à-pens, ou en trahison. Cædes ex improviso, ex insidiis. On ne donne point de rémission pour les assassinats. Les Espagnols ne se vengent que par l’assassinat ; ils ne veulent point courir la moitié du péril. S. Evr.

Assassinat, se dit au Palais par extension, des mauvais traitemens & insultes qui ont été faits à quelqu’un à main armée, & avec avantage, quoique la mort ne s’en soit pas ensuivie. Un homme qui a reçu des coups de bâton, demande vengeance de l’assassinat commis en la personne.

On le dit aussi hyperboliquement des importunités. Quand vous venez tant de gens ensemble pour dîner chez moi, c’est un pur assassinat. Conjuratio, conspiratio.

On dit aussi en amour, qu’une belle a commis un assassinat, quand elle a rendu quelqu’un passionnément amoureux. Je crains quelque assassinat de ma liberté. Mol. Bon pour les précieuses ridicules.

Et le cruel en cet état
S’était caché toute sa vie
Pour faire cet assassinat. Volt.

ASSASSINATEUR. Voyez Assassin. C’est la même chose. Le mot d’assassinateur n’est pas reçu ; mais comme d’habiles gens l’ont employé, on peut bien le mettre ici. Caïn fut le premier des assassinateurs. Le Maît.

Le P. Bouheurs, après avoir observé pag. 13 de ses doutes, que des Ecrivains illustres (Messieurs de Port-Royal) ont fait, murmurateur, coronateur, af assassinateur, ne se contentant pas d’assassin, ajoute p. 14, qu’il sait le meilleur gré du monde à ces grands hommes, du dessein qu’ils ont d’enrichir la langue, & qu’il loue leur zèle, bien loin de blâmer leur hardiesse. Il ne laisse pas de demander ensuite à Messieurs de l’Académie Françoise, si ces mots entreront dans leur Dictionnaire. Dieu a voulu que la peine fût inséparable du péché. Il nous l’apprend par cette parole qu’il dit à Caïn, le père des assassinateurs & des fratricides ; qu’aussi-tôt qu’il auroit fait la mauvaise action qu’il méditoit, la peine de son crime le viendroit saisir. Le Maître.

ASSASSINEMENT. s. m. Vieux mot qui s’est dit pour assassinat. Cædes ex insidiis. Piteux assassinement. Paradin.

ASSASSINER. v. a. Tuer quelqu’un en trahison ; de guet-apens. Interimere, trucidare ex improviso, ex insidiis. Ce gentilhomme a été cruellement assassiné par six coquins. Le Duc François de Guise sâchant qu’il y avoit dans son camp un Huguenot qui étoit venu à dessein de l’assassiner le fit venir, & lui dit : si votre re-