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somma d’un coup de poing, & le mangea tout entier dans la journée. Théocrite parle de l’Athlète Egon, qui mangeoit lui seul, sans s’incommoder, 80 gâteaux.

Ils étoient aussi grands dormeurs qu’ils étoient grands mangeurs. Voyez Platon, De Rep. L. III. Galien, ad Thrasyb. C. 37, & in Protrept. C. II.

Malgré les excès qu’ils faisoient de nourriture, saint Paul & les anciens s’accordent à louer leur tempérance. 1°. Parce qu’on les contenoit dans une exacte tempérance à l’égard du vin & des femmes. 2°. Peut-être aussi à raison de la simplicité dans le choix & la préparation des alimens. Et 3°. enfin à cause de l’usage modéré qu’ils en faisoient, lorsqu’ils étoient sur le point d’entrer en lice.

Ils étoient d’une patience opiniâtre à souffrir les fatigues & les coups. Sénèque, Ep. 78 & 80. Eurydamus de Girens, au rapport d’Ælien, Var. Hist. L.X. C. 19, ayant eu quelques dents fracassées dans un combat à coups de poing, les avala pour en dérober la connoissance à son adversaire, & le vainquit. Les chaleurs qu’il leur falloit essuyer, ne mettoient pas leur patience à une moindre épreuve. Cic. De Clar. Otat. Ælien, Var. Hist. L. IV. C. 15. Il y avoit pourtant des Athlètes délicats, qui se contentoient de s’exercer à couvert dans les Gymnases & dans les Palestres.

La nature des exercices athlétiques, la chaleur du climat, & la saison où l’on faisoit ces jeux, les obligeoient de combattre nus. Ils avoient néanmoins une espèce de ceinture, de tablier, ou d’écharpe, dont on attribue l’invention à Palestre, fils de Mercure. On voit cet usage dans Homère, Iliade , XXIII, v. 683, & Odyss. L.XVIII, v. 65. Cette coutume, selon Denys d’Halicarnasse, L. VII, n’eut cours chez les Grecs que jusqu’à la XVe Olympiade, que les Lacédémoniens, selon Thucidide, commencèrent à s’affranchir de cette servitude. L’écharpe d’un certain Orsippe s’étant déliée au milieu de la course, ses pieds s’y embarrasserent ; il tomba & se tua, ou du moins il fut vaincu ; ce qui donna lieu de régler qu’à l’avenir les Athlètes combattroient sans écharpe.

La nudité des Athlètes facilitoit l’usage des onctions destinées à communiquer aux parties du corps toute la souplesse qui leur étoit nécessaire, & à soulager la lassitude. On employoit d’ordinaire à ces onctions l’huile, ou seule ou mêlée avec une certaine quantité de cire & de poussière, ce qui formoit une espèce d’onguent qui s’appeloit Ceroma. On donnoit aussi quelquefois ce nom au lieu où les Athlètes se faisoient oindre, appelé communément Eleothesion Alipterion, & Unctuarium, Plin. Hist. Nat. L.XXXV, C, 2. Ces onctions étoient particulièrement pour les Lutteurs & les Pancratiastes. Ils se faisoient oindre par les Officiers ou Valets de Palestre, nommés Aliptæ, Unctores. Et quelquefois ils se rendoient eux-mêmes mutuellement ce service. Pour rendre ces onctions plus efficaces, on conseilloit aux Athlètes qui se faisoient huiler & frotter, d’opposer au mouvement de main qui faisoit cette fonction toute la force & toute la roideur de leurs muscles, en retenant même leur haleine. Plutarq. Les Athlètes, après s’être huilés, s’enduisoient quelquefois de la boue qui se trouvoit dans la Palestre. Le plus souvent ils se couvroient de sable & de poussière, soit en s’y roulant eux-mêmes, soit en se faisant saupoudrer par un autre, dans le lieu nommé pour cette raison κονίστρα, ou κονιστήριον. Et l’on prétend qu’ils ne se couvroient ainsi de poussière, que pour donner plus de prise à leurs antagonistes, & que c’est de-là que cette poussière avoit pris le nom d’ἁφὴ, qui signifie l’action de prendre, de saisir, d’empoigner, de happer, verbe qui peut-être vient de-là. C’étoit un préliminaire si essentiel à la lutte & au pancrace, que les Grecs disoient d’un Athlète qui gagnoit le prix sans combattre, qu’il avoit vaincu sans poussière ; c’est à-dire, sans travail & sans peine.

Au sortir du combat on frottoit les Athlètes, & on les huiloit de nouveau. Ils prenoient aussi le bain ; tout cela pour les délasser, & réparer les forces que ces exercices violens épuisoient. Cela s’appeloient ἀποθεραπεία, pancement postérieur, ou qui succède aux exercices.

Pour être admis aux combats publics & solennels des jeux, il falloit s’enrôler sous la conduite des maîtres de la Palestre, pour y observer pendant dix mois consécutifs les lois athlétiques, & se perfectionner par un travail assidu dans tous les exercices qui dévoient mériter aux vainqueurs le prix qu’on leur destinoit. Ces exercices préliminaires se faisoient dans les Gymnases publics, en présence de tous ceux que la curiosité ou l’oisiveté conduisoit à cette sorte de spectacle. Lorsque la célébration des jeux Olympiques approchoit, on redoubloit les travaux des Athlètes qui devoient y paroître, & on les exerçoit dans Elide même pendant trente jours. Voyez Pierre Dufaur dans son Agonistique, L. I. C. 32. Liv. III. C. 10, 11 & 15.

Les Officiers qui avoient le gouvernement des Athlètes ; étoient le Gymnasiarque, le Xystarque, les Epistates, le Pædotribe, le Gymnaste, les Aliptes & Iatraliptes ; noms que nous expliquerons chacun en leur place.

Les Etrangers chez les Grecs n’étoient point reçus parmi les Athlètes, non plus que les gens d’une naissance obscure ou équivoque, & ceux dont les mœurs n’étoient pas bonnes. Il falloit aussi être libre, & les Esclaves étoient exclus des jeux. C’est le sentiment de Dufaur, dans son Agonistique, Liv. III. C. 17. Mercurial dans sa Gymnastique, L. I. C. 3, & L. II. C. 10, prétend que les Esclaves n’étoient pas absolument exclus de tous les combats Gymniques ; qu’on leur permettoit de disputer le prix de la course à pied. Les Romains le leur permirent, au moins sous les Empereurs. Les Grecs se relâchèrent aussi alors ; & ils y admirent des Affranchis. Au reste, dès l’origine même de ces jeux, il ne fut pas nécessaire d’être d’un rang illustre pour entrer dans la lice. Pourvu qu’un Athlète fût né d’honnêtes parens, la plus vile profession ne l’excluoit point, & Corébe, le premier qui combattit aux jeux Olympiques, n’étoit qu’un simple cuisinier, au rapport d’Athénée, L. IX. C. 7. Ceux qui faisoient les perquisitions nécessaires pour s’assurer de la naissance & des mœurs des Athlètes, étoient ceux qu’on appeloit Agonothètes, Athlothètes & Hellanodiques. Ces Juges exposoient à l’Athlète les conditions sous lesquelles on l’admettoit. Ensuite on passoit en revue les Athlètes. Un Héraut élevant la main pour imposer silence au peuple, la mettoit ensuite sur la tête de l’Athlète, & le promenant dans toute l’étendue du Stade, il demandoit à haute voix si personne n’accusoit cet Athlète d’aucun crime, s’il étoit irréprochable dans ses mœurs ; s’il n’étoit ni esclave ni voleur, &c. C’est ainsi que nos anciens Chevaliers devoient être gens sans reproche. Outre cela, à Olympie on faisoit prêter serment aux Athlètes, & jurer, 1°. Qu’ils s’étoient soumis pendant dix mois à tous les exercices & à toutes les épreuves de l’institution athlétique 2°. Qu’ils observeroient très-religieusement toutes les lois prescrites dans chaque sorte de combat, & qu’ils ne feroient rien contre le bon ordre & la police établie dans les jeux. Ce serment se prêtoit devant la statue de Jupiter, érigée dans le Sénat des Eléens. Les Hellanodiques faisoient encore jurer le second article aux peres des Athlètes, pour plus grande précaution. Les Agonothètes écrivoient le nom & la patrie des Athlètes qui s’engageoient ; & à l’ouverture des jeux, un Héraut lisoit publiquement ces noms. On faisoit la même chose pour ceux qui disputoient le prix de Musique. Les Athlètes de réputation n’étoient pas obligés de se trouver présens pour se faire inscrire : il suffisoit pour eux d’avertir les Agonothètes par lettres ou autrement mais il falloit qu’ils se trouvassent exactement, comme les autres, au rendez-vous à certain jour marqué ; faute de quoi on leur donnoit l’exclusion.

Le jour des jeux, quand les Athlètes étoient assemblés, & après que le Héraut avoit proclamé leurs noms, on régloit au sort le rang de chacun des Athlètes qui devoient concourir plusieurs ensemble, comme dans la course à pied & la course des chars, &c. Dans la lutte, le pugilat & le pancrace, où l’on ne combattoit

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