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AUR

pour avoir lieu de se moquer de lui. Cette mauvaise plaisanterie ne se fait que le premier jour d’Avril.

AURILLAC. Auriliacum, Meriolacum. Ville de France dans la haute Auvergne, sur la Jordane. Les dentelles d’Aurillac sont fort communes en France. On prétend que ce mot est formé du latin Aurum, or, lacus, lac, & qu’il a été donné à cette ville, parce qu’on trouvoit autrefois des grains d’or dans un lac voisin d’Aurillac. Cette ville est à 19° 58′, 35″, de longitude, & 44° 55′, 10″, de latitude. Cassini.

AURILLA (cheval.) Terme de Manége, qui se dit des chevaux qui ont de grandes oreilles, & qui les remuent souvent. Auritus.

AVRILLEUX. adj. Vieux mot que l’on trouve dans Borel. Temps avrilleux, c’est-à-dire, temps comme dans le mois d’Avril.

AURIOLE. Ville capitale d’un Royaume qui porte son nom. Auriola. Elle est dans le Malabar, contrée de la presqu’ile de l’Inde deçà le Gange, à l’orient de Calécut. ☞ Davity, Baudran & Maty se sont trompés en prenant ce nom pour nom de ville & de province. Dans le voyage de Pyrard d’où ils ont pris cet art. Auriole est le nom d’un Roi dont les Etats ont un autre nom. Le royaume d’Auriole est un royaume imaginaire, ainsi que sa capitale.

☞ Il étoit bien aisé aux Vocabulistes de relever cette erreur du Trévoux, ou plutôt des trois Géographes dont on vient de parler. Ils n’ont eu qu’à copier le grand Dict. Géographique.

AURIPEAU. Voyez Oripeau.

AURISLAGE, ou AURILLAGE. Terme de Coutume. Ce mot veut dire en quelques lieux le profit des ruches des mouches à miel qui appartient au Seigneur, ou au Roi, comme en Provence. Ragueau.

AURON. Rivière de Berri, province de France. Elle coule le long des murs de Bourges, du côté du couchant, & au-dessous de la ville, elle se joint à l’Eure, qui la baigne du côté du nord ; & elles vont ensemble à quatre lieues de-là grossir le Cher de leurs eaux à Vierzon, au milieu d’une prairie qui s’étend depuis Bourges jusque-là.

AURONNE, AURONE. s. f. Abrotonum. s. m. Plante qui approche fort de l’absinthe par son port. Ses feuilles sont dans la plupart des espèces découpées menu : ses fleurs & ses semences sont tout-à-fait semblables à celles de l’absinthe. On distinguoit autrefois cette plante en mâle & femelle, abrotanum mas & fœmina. La femelle, qui ne porte point ses fleurs disposées en épi, est appelée à présent santolina, garderobe, petit cyprès. L’auronne est apéritive. Sa décoction fait mourir les vers.

Ce mot vient du grec ἄϐροτος, inhumain ; ou de βρωτὸς, qui signifie une chose bonne à manger, & de la particule privative α, comme qui diroit une plante que l’on ne sauroit manger, à cause de son amertume, qui est plus grande que celle de l’absinthe. Cependant cette étymologie paroit difficile à accorder avec la quantité d’abrotonum, dont Horace & Lucain font la première syllabe brève, ce qui ne pourroit être, s’il venoit de βρωτὸς, qui s’écrit par un ω. Ne seroit-il pas raisonnable de tirer l’étymologie de ce mot de l’α privatif, & de βροτὸς, qui signifie mortalis, mortel ; & de dire que l’auronne est appelée abrotonum, parce que les Médecins la donnoient aux malades pour les préserver de la mort. C’est l’idée que nous donne Horace de l’abrotonum, lorsqu’il dit dans la première Epître du second Livre, abrotonum ægro non audet, nisi qui didicit, dare.

Vin d’aurone. Vinum abrotonites. C’est un vin fait avec l’aurone : comme on fait du vin d’absinthe. Il y a plusieurs espèces d’aurone.

AURORE. s. f. Crépuscule du matin, lumière foible qui paroît quand le soleil est à 18 degrés de l’horizon, & qui va en augmentant : jusqu’à son lever. Aurora. Il n’y a rien de plus agréable à voir que le lever de l’aurore ; ce sont les nuées éclairées des rayons du soleil. Les poètes en font une divinité, dont Céphale étoit amoureux. Ils lui donnent un char, & des doigts de roses. Ils disent qu’elle seme des roses, à cause que souvent ell colore les nuages d’un beau rouge.

Hélas ! si jeune encore,
Par quel crime ai~je pû mériter mon malheur ?
Ma vie à peine a commencé d’éclore :
Je tomberai comme une fleur,
Qui n’a vu qu’une Aurore. Racine.


Je disois à la nuit sombre :
O nuit ! tu vas dans ton ombre
M’ensevelir pour toujours.
Je redisois à l’Aurore :
Le jour que tu fais éclore
Est le dernier de mes jours. Rousseau.

Nicot dérive ce mot ab oriente sole, quia aer aurescit. Selon le P. Thomassin ce mot vient de l’hébreu אור, or, lumière.

On appelle Aurore Septentrionale, ou plus communément Aurore Boréale, une lumière qui paroît dans des nuées, venant du nord-est ou du septentrion, lesquelles paroissent éclairées, s’enflamment de temps en temps, s’étendent souvent de 60 & 80 degrés d’orient en occident, & vont au midi beaucoup au delà du Zénith. Elles sont vues souvent de pays fort éloignés en même temps ; ce qui prouveroit qu’elles sont très-hautes. M. Celsius, Suédois, & M. de Mayran, ont écrit sur l’aurore boréale. Celui-ci soutient que c’est l’atmosphère du soleil, qui s’étend jusqu’à celui de la terre. l’opinion vulgaire est que ce sont des nuées composées des matières qui font les éclairs & le tonnerre, mais qui sont trop claires & trop peu denses pour produire ces effets. C’est un tonnerre manqué. Gassendi a fait la description de ce phénomène qu’il observa exactement en 1621. On l’appelle aurore boréale, parce qu’elle paroît ordinairement vers le Nord, & que proche de l’horizon elle ressemble à l’aurore. Suivant la plus commune opinion, sa cause est la lumière zodiacale découverte en 1683, & décrite par feu M. de Cassini.

Ce que nous appelons ici aurore boréale, est bien plus fréquent, bien plus étendu, & bien plus varié dans le nord que dans ce pays-ci. Voyez le Discours de M. de Maupertuis sur la figure de la terre. On soupçonne que les aurores boréales sont produites par une nature semblable à celle qui forme la queue des comètes, & qui s’exhale de la terre, n’y ayant peut-être que le défaut de matière, qui puisse faire disparoître l’aurore boréale. Institut. Astron. p. 346.

☞ M. de Mairan paroît avoir démontre dans son Traité de l’Aurore Boréale, que les vapeurs & les exhalaisons ne s’élèvent guère au-dessus des plus hautes montagnes, qui n’ont pas plus de deux lieues de hauteur perpendiculaire, & que, quelque subtilisées, quelque volatilisées qu’on suppose les vapeurs & les exhalaisons, elles ne peuvent s’élever à plus de vingt lieues de hauteur perpendiculaire. Cependant on a quelquefois observé l’aurore boréale à la hauteur de plus de 200 lieues. Il est donc évident que cette lumière n’est pas produite par les vapeurs & les exhalaisons. Voyez Atmosphère terrestre. Cherchons une autre cause de ce phénomène. La terre a son tourbillon ; le soleil a son atmosphère. Cette atmosphère a à-peu-près la figure d’une lentille. Son grand diamètre s’étend des Gémeaux au Sagittaire : son petit diamètre de la Vierge aux Poissons. Cette atmosphère est composée de parties huileuses, qui par conséquent sont très-inflammables. Ainsi les parties de cette atmosphère venant à se mêler avec le tourbillon terrestre, pourroient recevoir par la fermentation quelques nouveaux degrés d’agitation. Quelques degrés d’agitation de plus dans une matière inflammable produisent le feu & la lumière. Voyons donc comment ces parties peuvent se mêler les unes avec les autres. La terre monte & descend avec son tourbillon pendant six mois de l’année. Elle monte pendant l’automne en parcourant le Bélier, le Taureau & les Gémeaux. Elle descend en parcourant la Balance, le Scorpion & le Sagittaire. Pendant que la terre monte avec son tourbillon, le pôle septentrional se plonge dans l’atmosphère du soleil, qui s’étend, comme nous l’avons dit, des Gémeaux au Sagittaire.