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BAI

Comme une jeune rose
Aux baisers du soleil tout fraîchement éclose.

P. le M.

Baiser. Ce mot pris au figuré, signifie aussi une teinture de Mars & de Vénus, ou de cuivre & d’acier, de l’invention de Closseus. Castelli cité par James.

BAISER. v. a. Donner un témoignage d’amitié, d’amour, de respect, d’humilité par l’application de la bouche sur la joue, sur le visage, sur la main. Osculari, deosculari, basiare, suaviari. Les peres & les meres baisent leurs enfans au front. Les amis se baisent à la joue, & les amans à la bouche. Judas baisa Notre-Seigneur en le trahisant. On baise la main d’un Evêque à l’offrande, la robe d’une Princesse qu’on salue, la mains d’un Seigneur à qui on porte la foi & hommage. On va baiser la mule du Pape par respect. On baise les reliques par dévotion. On baise la terre par humilité. Les Grecs n’ont qu’un même mot pour signifier aimer & baiser, φιλεῖν.

J’aime l’innocent embonpoint
D’une idiote ; & n’entends point
Baiser ni Platon, ni Virgile. Main.

Baiser la main, c’est la porter par respect auprès de sa bouche, lorsqu’on présente ou qu’on reçoit quelque chose, ou lorsqu’on salue. On apprend aux enfans à baiser la main.

Baiser les mains. Terme de Civilité, par lequel on exprime qu’on salue quelqu’un. Je vous baise les mains. Je lui baise très-humblement les mains, & suis son serviteur.

On dit figurément que deux choses se baisent, quand elles sont si près l’une de l’autre, qu’elles se touchent. Ces deux solives se baisent, s’entretiennent, On le dit aussi des flots de la mer à l’égard du rivage qu’ils touchent & qu’ils mouillent.

Fameux théâtre des naufrages,
Toi dont les flots impétueux
Vienne d’un pas respectueux
Baiser le sable des rivages. Godeau.

On dit d’un méchant feu, qu’il n’y a que deux tisons qui se baisent.

On dit proverbialement, je vous baise les mains ; pour dire, je me recommande à vous, ou je vous remercie ; ou ironiquement, je ne veux rien croire de ce que vous dites. On dit aussi, faire baiser le babouin ; pour dire, obliger quelqu’un à se soumettre aux plus dures conditions. On dit aussi de celui qui a grande obligation à un autre, qu’il devroit baiser les pas par où il passe.

Baiser le verrouil, la serrure de l’huis, ou la porte du fief dominant. Termes de Coutume. C’est un signe de l’hommage que le vassal fait à son Seigneur féodal au manoir du fief dominant, en l’absence du Seigneur, au lieu de la bouche & des mains, que le Seigneur présente à son vassal, en recevant le serment de fidélité.

Baiser le cul de la vieille. Manière de parler usitée à Paris, au jeu de billard & autres ; pour dire, ne pas faire un seul point, perdre sans avoir pu gagner ni prendre un point. Dict. Com. au mot cul. Il y en a qui, pour parler plus poliment, disent, perdre bredouille. C’est un terme du jeu de trictrac, où celui qui gagne douze points de suite, marque deux trous au lieu d’un : ce qui s’appelle partie bredouille. Mais comme on peut perdre la partie bredouille, après avoir pris jusqu’à dix points, perdre bredouille ne signifie pas toujours perdre sans faire un seul point.

Baiser, se dit aussi en Géométrie de deux courbes, ou de deux branches de courbes, lorsqu’elles se touchent en tournant leurs concavités vers le même côté. Si les deux convexités se regardent, on dit simplement qu’elles se touchent. Encyc.

☞ On emploie plus particulièrement le terme de baiser, pour exprimer le contact de deux courbes qui ont la même courbure au point de contact. Le baisement s’appelle encore alors osculation.

Baiser, vient de basiare, basium, baiser.

☞ BAISÉ, ÉE. part.

☞ BAISEUR, EUSE. f. Celui ou celle qui aimer à baiser. C’est un grand baiseur. Basiator, osculans, osculabundus. C’est une baiseuse perpétuelle.

BAISOIR. s. m. Monnoie d’or, que les Archiducs Albert & Isabelle firent battre dans les Pays-Bas, & qui fut appelée baisoir, parce que les deux têtes y étoient, & qu’elles sembloient se baiser. Paperbrock, Act. Sanct. Maii, T. I. p. 65.

BAISOTTER. v. a. & fréquentatif. Donner des baisers réitérés & fréquens. Crebra dare basiola. Les nouveaux mariés ont accoutumé de se baisotter sans cesse. Cela est du style familier.

☞ BAISSAN. Petite ville d’Afrique, environ à seize milles de Tripoli, en Barbarie, dans un terroir très-fertile.

BAISSE. s. f. Baissement, déchet, diminution. ☞ Il se dit des espèces & des papiers royaux commerçables, qui tombent au-dessous du prix qu’ils avoient. Suivant la judicieuse expression de M. du Tot, le cours du change est le baromètre du commerce. Les hausses & les baisses dont il est susceptible, font voir l’état du négoce dans une nation aussi manifestement, que les variations du mercure montre l’état de l’atmosphère. Obs. sur les Ecrits mod. t. 22, p. 297.

BAISSER. v. a. Descendre quelque chose, & la mettre plus bas qu’elle n’étoit. Demittere. ☞ Ce mot se dit des choses qu’on veut placer plus bas, de celles dont on veut diminuer la hauteur, & de certains mouvemens du corps. Il faut baisser ce tableau pour le mettre à la portée de la vue. Baisser les voiles d’un navire. Baisser un bâtiment. Baisser les yeux. Baisser la tête.

☞ Les opposés de baisser, sont élever & exhausser. On baisse un toit trop élevé, & un mur trop exhaussé.

Baisser, est aussi d’usage dans le sens neutre, & se dit de ce qui devient plus foible, qui diminue, qui décroît. Deficere, decrescere. La rivière baisse et diminue à vue d’œil. La mer baisse quand elle est dans son reflux. Ce vin baisse, il a perdu de sa force.

☞ En termes de banque on dit que les actions, les effets commerçables baissent ; pour dire, qu’ils diminuent de valeur.

Baisser, n’est jamais employé dans le sens figuré à l’actif, soit qu’il soit joint au pronom réciproque, ou qu’il ait un autre cas. On se baisse en se courbant. La porte de sa chambre est si petite, qu’il faut se baisser pour y entrer. Il se baissoit souvent pour lui parler à l’oreille. Voyez Abaisser.

Baisser, dans le sens neutre, se dit figurément des choses incorporelles. L’esprit baisse avec l’âge. Sa faveur, son crédit baisse. Quand notre mérite baisse, notre goût baisse aussi. Roch. Je vois mes honneurs croître, & baisser mon crédit. Rac.

Baisser. Terme de Rivière, se dit en parlant du chemin qu’on fait en descendant le long de la rivière. Baisser depuis Roanne jusqu’à Orléans.

Baisser. Terme d’Agriculture. C’est courber en dos de chat les branches de la vignes qu’on a laissées après que la taille en a été faite ; pour cela on les attache à une perche liée en échalas. Curvare, arcuare. Cette sorte de travail se pratique dans l’Auxerrois & aux environs, où les vignes sont rangées plus proprement que dans nos autres vignobles. C’est aussi là que les vignerons disent, il est tant de baisser la vigne. Ma vigne est baissée. Ce mot exprime bien ce que l’on veut dire ; puisqu’en effet on baisse le serment de la vigne. Ailleurs, où on ne met aux vignes que des échalas sans perche en travers, on dit accoller, & non pas baisser ; quoique souvent aussi on courbe les branches autant qu’on le peut avec de simples échalas.

Baisser. Terme de Manége. Baisser la main à un cheval, c’est pousser son cheval à toute bride.

En termes de Marine on dit, baisser les voiles, lorsque le vent est trop fort, ou quand on aborde. Vela ponere, deponere, laxare, dimittere. Baisser le pa-