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BAR

Les Botanistes ont été fort en dispute au sujet de la plante qui donne cette semence. J. Bauhin a donné une grande dissertation sur cette matière. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous ne connoissons pas cette plante. Rauwolfe nous parle d’une espèce d’absinthe qui a plus de rapport avec la véritable plante de la barbotine qu’aucune autre ; car la figure de Mathiole ne paroit pas exacte. Rauwolfe l’a observée aux environs de Bethléem. Ses feuilles sont découpées ; menues, cendrées ; ses tiges sont fort branchues à leurs extrémités, & portent beaucoup de semences âcres, salées, amères, & qui sentent si mauvais, qu’elles font naître des envies de vomir. Les Arabes appellent cette plante Schela, & sa semence qui est menue Zina. Elle est souveraine pour tuer les vers. Les Marchands des caravanes l’achètent pour la vendre sous le nom de graine pour les vers. On doit choisir la barbotine nouvelle, verdâtre, d’un goût âcre, amer & aromatique, cependant désagréable. On la fait prendre en dragées, ou en opiats, pour tuer les vers.

On dit proverbialement d’un homme qui fait des vers à l’impromptu, il a pris de la barbotine.

Les Apothicaires & les Droguistes donnent encore d’autres noms à cette plante. Ils l’appellent Santoline, ou Xentoline, Semencine. Voici ce qu’en dit M. Tavernier, dans le second tome de ses voyages. On ne peut recueillir la semencine, ou poudre à vers, comme on fait les autres graines : c’est une herbe qui croît dans les prés, & qu’il faut laisser mûrir, & le mal est que lorsqu’elle approche de la maturité, le vent en fait tomber une grande partie entre les herbes, où elle se perd, & c’est ce qui la rend chère. Comme on n’ose la toucher de la main, parce qu’elle seroit plutôt gâtée, & que même, quand on fait la montre, on la prend dans une écuelle, lorsqu’on en veut recueillir ce qui est demeuré de reste dans l’épi, voici de quelle adresse on se sert : ils ont deux paniers à anses, & en marchant dans ces prés, ils font aller ces paniers l’un de la droite à la gauche, & l’autre de la gauche à la droite, comme s’ils fauchoient l’herbe, laquelle toutefois ils ne prennent que par le haut ; c’est-à-dire, par l’épi, & toute la graine tombe ainsi dans ces paniers. Barbotine est le nom de la graine dont nous parlons ; Sémencine est le nom de la plante qui porte la barbotine : ces deux noms se confondent quelquefois dans l’usage. On couvre la barbotine de sucre, & on en fait des dragées à cause de son amertume.

BARBOUILLAGE. s. m. Action de barbouiller, d’enduire d’une couleur. Tinctura. Le barbouillage de ce tripot a tant coûté.

Barbouillage, se dit aussi par mépris d’une méchante peinture. Pictura rudior. Il se dit aussi d’un récit mal fait, embrouillé. On ne comprend rien à ce barbouillage.

Barbouillage, se dit encore d’une mauvaise écriture, dont les lettres sont mal formées, & qu’on ne sauroit presque lire, ce qu’on appelle aussi griffonage. Votre exemple est très-mal fait, ce n’est qu’un barbouillage.

BARBOUILLER. v. a. Peindre grossièrement avec une brosse, enduire d’une couleur. Colorem inducere. L’ocre sert à barbouiller les planchers : le noir à noircir, à barbouiller les jeux de paume. Barbouiller une porte, une fenêtre.

Barbouiller, se dit aussi pour ébaucher. Rudiori penicillo pingere. Ce dessein n’est encore que barbouillé.

☞ En peinture, barbouiller se prend toujours en mauvaise part, à moins qu’on ne parle de celui dont le métier est de barbouiller la portes, les treillages ; & Ménage dérive ce mot de barbulare, qu’on a fait de barbula, diminutif de barba, d’où on a fait aussi barbuleius, qui signifie un bouffon enfariné. Guichard le tire de חבר, conjunxit, d’où se fait חבורה, plaga, vibex, livor, tumor : & de là חברבורה, abarboura, macula livoris, macula livens, une tache livide ; d’abarboura s’est formé en françois, selon lui, barbouiler. Cela est tiré de bien loin.

Barbouiller, signifîe aussi, salir, gâter quelque partie d’une chose. Maculare, inquinare. Les masques, les bouffons se barbouillent le visage. li a les mains barbouillées.

Thespis fut le premier qui barbouillé de lie
Et d’Acteurs mal ornés chargeant un tombereau
Amusa les passans d’un spectacle nouveau. Boil.

Barbouiller du papier, dans le sens propre, c’est former mal ses caractères, en sorte que l’écriture soit difficile à lire. En fait d’ouvrages d’esprit, au figuré, c’est faire une mauvaise composition. Inconditè, inconcinnè scribere. Cet Auteur a bien barbouillé du papier en sa vie.

☞ On dit encore figurément, barbouiller un récit, une histoire ; pour dire, l’embrouiller.

☞ Se barbouiller dans le monde, gâter sa réputation. Obscurare famam.

On dit se barbouiller l’esprit de grec, de latin, pour signifier un amas confus de grec & de latin. Indigestam græci latinique sermonis comparare farraginem.

On dit aussi qu’un Orateur, un Avocat se barbouille, lorsque la mémoire lui manque & que son discours n’est que galimatias. Cespitare, alienum à re proposita dicere. On dit la même chose d’un homme qui s’enivre, lorsqu’il ne sait plus ce qu’il dit. Dans tous ces sens il est du style familier & populaire.

Barbouiller, est aussi un terme d’Imprimeur, qui signifie être trop noir aux marges & au fond. Atramento inficere. Cette feuille barbouille. Cet ouvrier barbouille.

Barbouillé, ée, part. Il a les significations de son verbe en françois & en latin.

On dit proverbialement & populairement, se moquer de la barbouillée ; pour dire, faire des propositions extravagantes & ridicules. Il se dit aussi de ceux qui ayant bien fait leurs affaires, se moquent de tout ce qui peut arriver, & de ce que l’on peut dire & faire.

BARBOUILLEUR, EUSE. s. m. & f. Qui peint grossièrement avec la brsse, qui enduit d’une couleur une muraille, un plancher. Infector. On l’appelle par raillerie un Enlumineur de jeu de paume.

On dit figurément des mauvais Peintres, & des mauvais Auteurs, qui gâtent de la toile, ou du papier, que ce sont des barbouilleurs. Va, va, petit grimaut, barbouilleur de papier. Mol.

BARBU, UE, adj. Qui a de la barbe, Barbatus. Cette femme est barbue comme un homme.

Vénus étoit surnommée barbue, barbata. On la représentoit quelquefois avec de la barbe, parce qu’on lui donnoit les deux sexes.

BARBU. Barbatus. est aussi un Frère Convers de l’Ordre de Grammont. Les Barbus, dans l’Ordre de Grammont, avoient le maniement & l’administration du temporel. Ils voulurent aussi usurper le gouvernement de l’Ordre, & réduire les Prêtres sous leur obéissance ; mais ils perdirent leur cause. Voyez Mézerai dans Philippe Auguste. On a aussi appelé Barbus les Frères Convers dans l’ordre de Cîtaux, ainsi qu’il paroît par l’histoire de cet Ordre ; & dans d’autres encore, comme on le peut voir dans la vie de sainte Erminolde. On appeloit aussi Frères Barbus dans la Congrégation d’Hirsauge, en Allemagne, les Frères Convers qui étoient destinés pour le travail, & pourvoyoient aux besoins de ceux qui ne s’occupoient qu’à la comtemplation. Il y avoit parmi eux d’habiles ouvriers en toutes sortes d’arts & de profession. S. Guillaume fut le premier qui établit ces sortes de Convers en Allemagne. P. Hélyot, T.V.C. 32. On trouve même un Ordre entier appelé les Frères Barbus, ou l’Ordre des Frères Barbus, dans Alberic, à l’an 1113, & 1240.

☞ BARBUE (Comète) terme d’astronomie. On dit qu’une comète est barbue, barbatus, lorsqu’elle est précédée d’une espèce de chevelure lumineuse & rayonnante. Voyez Comète.