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BEC

cat, & commun en Provence & en Syrie. Ficedula. Il se nourrit de figues & de raisins, ce qui a donné lieu à ces vers de Martial.

Cùm me ficus alat, cùm pascar dulcibus uvis,
Cur potiùs nomen non dedit uva mihi ?

Il est fort gras, & sa graisse est dedans, dehors & dans la substance même de sa chair. Il est d’une seule couleur, gris-clair. Il vit neuf à dix ans. On l’appelle à Marseille tête-noire. Ils viennent en Septembre dans les lieux où il y a des figues & des raisins, & s’en vont en Novembre, tant en Syrie qu’en Provence, où ils sont très-communs. Il y en a une si grande quantité dans l’île de Chypre, qu’on les marine au vinaigre dans des barils, & l’on en fait commerce. Il s’en débite beaucoup à Venise. C’est-là le beccafi commun.

Toutes les viandes sont à grand prix à Smyrne & très-bonnes, & sur-tout les bécafigues, qui, comme je crois, sont les véritables ortolans. Il y en a une si grande quantité, qu’en une après-dinée aux environs de la ville j’en ai tué deux douzaines sur les térébinthes dont ils aiment particulièrement le fruit, du Loir, p. 16.

Il y a encore un autre beccafi, ou beccafigue, qui est un oiseau parfait, rare, & peu connu en France. Boccaticus canepinus, ou Ficedula canepina. Il siffle fort bien, & contrefait le chant de plusieurs oiseaux, & entre autres de la fauvette & du rossignol. Il y en a par-tout, quoique nous n’en nourrissions point en France. Mais en Lombardie on a trouvé le moyen d’en élever & d’en tenir en cage. Son pennage est un peu plus rougeâtre que celui du beccafi commun. Il fait son nid dans les buissons, ou arbrisseaux, ou bien dans quelque épine bien épaisse, avec des écorces de vigne & des racines d’herbes. Il fait jusqu’à cinq petits, mais communément quatre. On le nourrit comme le rossignol ; il vit jusqu’à dix ans. Cet oiseau est semblable par tout le corps aux fauvettes. Il est presque par-tout d’une couleur cendrée, tirant sur le brun, principalement par le dos, & par les parties de dessus. Sa poitrine est jaunâtre, & ses pieds noirs. Voyez Olina dans son Traité des oiseaux qui chantent.

D’autres croient avec Aristote, Hist. des Anim. L. IX, c. 49, que c’est le même oiseau qui change de chant & de nom, & même, selon Pline, de forme & de plumage deux fois l’année ; qu’en Autonne, au temps des figues, les Grecs le nommoient Συκελὶς, & les latins Ficedula ; qu’après l’Autonne son plumage change, & brunit sur la tête ; les Grecs le nommoient Μελαγκορυφός, & les Romains Atricapilla. Cet oiseau a aussi deux noms en France. On le nomme en Autonne becfigue ; dans les autres saisons, pivoine : les Italiens de même le nomment beccafico en Autonne, quand les figues sont mûres, & qu’il en mange & le reste de l’année caponero. D’autres en mettent encore une troisième espèce qui a le dessus de la tête roux-obscur, & qu’on appelle tête-rousse.

Turnerus rapporte qu’en Angleterre il n’y a point de beccafis. Aristote dit que le beccafi fait son nid dans les arbres, & il ajoute, aussi-bien que Pline, que cet oiseau est extrêmement fécond, & qu’il fait plus de vingt œufs. Ils entendent parler du beccafi commun. Voyez encore au mot Pivoine quelques autres espèces de beccafigues.

Les Anciens faisoient grand cas des becfigues, comme on le peut voir dans Athénée, L. II, & L. IV, & dans Aulugelle, L. XV, c. 8. Voyez encore Pline, L. X, c. 29. Bruyerin. Compeg. L. IX, c. 44. Aldrov. L. XXVII, ch. 36. Voss, De Idolol. L. III, c. 92. Bochart, Hieroz. P. II, L. I, c. 16. Saumaize sur Solin, p. 238.

☞ BECAR. Province de l’Indoustan. La même que Bacar. Voyez ce mot.

BECARD. s. m. Quelques-uns disent que c’est la femelle du saumon, qui a le bec plus crochu que le mâle. Sulmo fœmina. D’autres disent que ce sont les saumons du Printemps, qui deviennent becards au mois d’Août & de Septembre, auquel temps ils sont les moins bons de l’année.

BÉCARRE. s. m. Terme de musique Voyez B quarre. ☞ L’Académie écrit Becarre.

BÉCASSE, s. m. Oiseau de passage, qui est très-bon à manger. Scolopax, Gallinago. La bécasse est environ de la grosseur de la perdrix. Elle est diversifiée de couleurs & de taches ; savoir, de roux, ou de couleur de terre cuite, de couleur blanchâtre, de noirâtre, & de quelques autres couleurs. Son bec est long de six doigts, ou environ, un peu noirâtre par le bout, rude, & foible : la partie de dessus passe celle de dessous : sa langue est menue, longue & nerveuse : les jambes sont longues & déliées. L’on voit des bécasses en toutes sortes de pays, particulièrement en hiver. Cet oiseau change de pays suivant les saisons : elles le tiennent en été dans les hautes montagnes des Alpes, des Pyrénées, de Suisse, de Savoie & d’Auvergne. Elles viennent en France à la fin du mois d’Octobre, & cherchent les lieux où il y a des taillis, des forêts humides, des ruisseaux & des haies. ☞ Au Printemps cet oiseau quitte notre pays. Mais il s’accouple auparavant. Le mâle & la femelle se suivent par-tout.

La bécasse est pesante, & vole difficilement ; mais elle court fort vite. L’on prétend que c’est le Σκολόπαξ d’Aristote, à cause de son bec qui ressemble à un pieu, qui s’appelle en grec σκολόψ, & le Rusticula, ou Gallinago, ou Perdrix rustica des Latins, dont Martial a parlé, L. XIII, épître 75, mais que d’autres prennent pour la perdrix grise.

Aldrovand parle d’une espèce de bécasse, qu’il nomme bécasse de bois, & en latin rusticula. Il dit qu’elle est plus grande que celle dont nous venons de parler, de même couleur, mais plus couverte & plus semée ; que ses jambes sont cendrées, son ventre blanchâtre, & son bec un peu plus court. Je crois que toute la différence qu’il y a, n’est que du sexe ; parce que nous voyons que parmi les oiseaux, les mâles ont leurs couleurs plus vives ou plus couvertes que les femelles ; & d’ailleurs tous les Auteurs ne parlent que d’une espèce de bécasse ; car la bécassine est toute autre chose.

☞ On prend les bécasses aux lacets dans les bois, ou le long des ruisseaux. La façon la meilleure & la plus usitée, est d’avoir un filet que l’on appelle passée, ou grand rets, que l’on tend dans les lieux où l’on a découvert qu’elles vont & viennent le soit & le matin. Le rets doit être de grande étendue ; on le tend entre deux grands arbres ; les plus hauts sont les plus propres pour cela. Quand ils ne sont pas assez hauts, l’on y met des perches, & à l’un des arbres on met une poulie ; c’est à celui du côté duquel on veut lâcher le rets. La principale adresse est de le lâcher bien à propos, lorsque l’on voit que la bécasse donne dedans ; & afin de faire descendre le rets avec plus de rapidité, il faut mettre aux deux bouts d’en haut du filet, du plomb, ou quelque pierre. Cette chasse ne se fait que le soir après le Soleil couché, & le matin à la pointe du jour. Il y a bien des pays où elle est en usage.

La bécasse a un goût différent de la perdrix, mais elle n’est pas moins bonne. La chair de bécasse est noire, & sent un peu le marécage : elle fortifie, elle restaure & nourrit beaucoup ; mais il faut les choisir jeunes & grasses, autrement leur chair est dure & difficile à digérer. Elles n’ont point de fiel, tout en est bon. On les fait rôtir sans les vider. De la Marre. Voyez Aristote, Hist. des An. I. IX, c. 26. Belon, L. IX, c. 36. Bruyerin Campeg. L. IX, c. 36. Aldrovand. C XX, c 51. Non. De re cibaria, L. II, c. 28. On grille les têtes de bécasse à la chandelle pour les manger. On mange la merde de bécasse, ou plutôt ce qu’elle a dans le corps. Les Normands l’appellent vit de coq, par corruption du mot Anglois woodcock, qui signifie coq de bois. Autrefois on l’appeloit acée du mot latin acceia, qui étoit formé de acus, aiguille, à cause de son long bec.

On dit proverbialement ; aile de perdrix & cuisse de bécasse ; pour dire que ce sont les meilleurs morceaux de ces oiseaux. On dit aussi, brider la Bécasse : pour dire, tromper, surprendre, attaquer quelqu’un ; ce qui se dit figurément, à cause d’une chasse que les